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Le bateau du désert

1-   LE BATEAU

Désert, désert, grandeur, immensité. Moi ici, j’avance, je découvre, j’admire… Ma démarche est peu assurée. Je suis ivre de fatigue, fatigue du voyage, de ce long voyage rempli d’évènements, d’embûches inattendues. Je titube, mais je poursuis ma route.

Mes pas foulent le sable rouge et je m’arrête devant une plante. Je me souviens de mon pays du bord de mer où la salicorne y pousse abondamment. Je continue, le désert m’appelle, me parle.

Je m’arrête devant un immense rocher, là, juste celui-ci. Il ressembleà un bateau. Le bateau échoué je ne sais depuis quel temps. Je le regarde et le découvre petit à petit : ses couleurs rouges, ocres. La pointe déterminée à avancer, à aller au-delà des mers, des horizons. Je veux monter à l’intérieur. Est-ce que je le peux, est-ce que j’en ai le droit ? Que vais-je y trouver ? L’inconnu m’attireet me fascine. Le bateau du désert m’invite : drôle de rencontre dans ce lieu. Rencontre inattendue et insolite. Mais avant le désert, n’y avait-il pas la mer ?

Ici, je retrouve la nostalgie des lieux du bord de mer, du sable, de la salicorne et des bateaux qui m’ont emmené vers les îles de l’Atlantique ou de la mer Egée. Le bateau du désert me propose une balade pour le mystérieux et pour l’aventure.

 

2-   OUSMAN

Partir, rester, continuer ma découverte du désert dans ce bateau ? Je décide d’aller à l’intérieur de cet édifice. Je suis accueillie par Ousman, le bédouin que tout le désert connaît. Il m’offre le thé et me raconte l’histoire de ce lieu, des dunes, des roches que le vent, la pluie, ont érodées et sculptées. Il me parle des écritures gravées pas les habitants d’autrefois, de la couleur des pierres, du sable qui nous envahis. Il est d’un autre temps. Qui est cet homme d’ici et d’ailleurs ? Malgré l’étrangeté de la situation, son regard vif et clair me rassure.

Je me sens moins fatigué : impression d’avoir atteint ma quête… Tout ce cheminparcouru et la surprise de la rencontre avec ce vieil homme. Le poids des années lui donne la sagesse que je recherche. J’apprends que le bateau est là pour protéger un peuple. Un danger le menace. J’aperçois des enfants qui jouent à s’attraper, à se cacher dans les coins et les recoins de ce lieu. Ils sont pleins de vie. Leur insouciance les empêche d’être atteints par la malédiction. Et pourtant, le vent souffle sans relâche depuis des mois. Le bateau est prêt à se coucher sur un de ses flancs à chaque bourrasque. Il résiste, il tient debout. Les grains de sable volent et s’incrustent dans les moindres interstices, les plus petits creux. Le bruit du vent, toujours, sans répit devient insupportable. Il a atteint la pensée des hommes. Ils ne sont plus en mesure de travailler, de vivre normalement. Ils sont soit complètement hébétés, soit anéantis et sont comme devenus fous. Ils ne reconnaissent plus leurs proches. La malédiction du vent s’est abattue sur eux. Les femmes sont désespérées de voir leurs compagnons devenir de jour en jour de plus en plus loin et inaccessibles. Le bateau du désert est rempli de détresse et de désespoir. Le mal a cependant préservé Ousman qui me regarde, moi l’étranger. Il me parle sans mots. Il me choisit pour aider son peuple. Il pense que je peux le délivrer du maléfice qui l’a frappé et qui dure maintenant depuis trop longtemps.

 

3-   LA MISSION

Cette demande est à la fois un honneur et aussi une lourde responsabilité. Pour atteindre ce but, je dois quitter le bateau. Je sais que des épreuves m’attendent. Suis-je prêt à les affronter ? Pourquoi ma route a croisé celle d’Ousman réfugié dans son bateau ? Je ne sais ce que cet homme représente pour moi, mais je ne peux lui dire non. Même si je voulais refuser cette mission, je ne saurais comment lui annoncer. Je sens les larmes couler sur mon visage. L’émotion de la grandeur de la tâche sans doute me touche. Pourquoi moi ? J’ai peur de ce que je vais découvrir en acceptant cette mission. Il est temps que je quitte Ousman, que je sorte du bateau, que je salue les enfants occupés à leurs jeux, les femmes affairées à leur besogne quotidienne et tous les hommes pris dans une indifférence du monde qui les entoure. Je suis peiné de devoir partir, de les abandonner tous à leur triste destin. Ma tâche est d’aller à Axos. C’est là que tout doit se passer. Je dois rapporter à Ousman une pierre aux pouvoirs magiques que seul Ousman saura utiliser pour faire taire le vent. Ma mission devient alors plus légère. Ce n’est pas moi qui sauverai son peuple. Je me sens rassuré et prêt à partir.

 

4-   LA VILLE D’AXOS

La route qui me mène vers la ville d’Axos est longue. J’admire les paysages qui m’entourent : falaises rouges, parfois la végétation tente d’éclore et des petites fleurs blanches, fragiles semblent m’inviter à les regarder, à les sentir. Je prends le temps de m’arrêter pour les contempler. Je découvre toute une palette de couleur, rose, ocre, rouge, bleuté. Ces nuances changent au fil des heures qui s’écoulent. La lumière de fin de journée est la plus délicieuse. Elle donne à ces paysages des tons d’une douceur incroyable.J’avance et je m’émerveille devant tant de beauté. Je m’engage dans un étroit défilé de roches, le siq du désert. Ce couloir n’en finit pas, j’étouffe, je voudrai retrouver l’immensité des espaces. Enfin, je vois la lumière qui m’indique la fin du siq. Je suis soulagé. Je reprends ma liberté et marche sans fin dans cette étendue de roches et de sable.J’aperçois Axos, là où tout doit se passer. Cette ville majestueuse, je l’ai déjà vue dans mes rêves. Ousman me l’a décrite et je l’ai reconnue. Je dois alors rencontrer le roi qui m’offrira la pierre aux pouvoirs magiques.

 
 
5-   LE MESSAGE

La porte de la ville est protégée par deux gardes. Je ne pourrai y rentrer que si j’arrive à décrypter le message que me tendent les deux hommes :

-      Archkim pour da mon orange Wadi

-      Al khubtha de mar pomme piri Wadi

-      Bri al faresa pri me raisin remird Wadi

-      Froteur chari boun figue clara Wasi

-      Tradurons marcheur citron banana Wadi

Je lis et relis ce texte énigmatique ! Je comprends que je suis dans le Wadi Rum. Axos a été construite dans le désert, à l’opposé du bateau du désert. J’ai dû marcher des jours et des jours pour atteindre la ville. Je dois y entrer. J’ai parcouru tout ce chemin pour récupérer la pierre. Je ne veux pas décevoir Ousman. Que me dit ce message ? Je lis à haute voix les mots, chaque mot. Je me concentre et je reconnais alors le sens de certains. Mais oui, c’est ça, Axos est la ville des fruits. C’est l’oasis du désert. Elle est la vie, celle qui peut nourrir ses habitants. Je traduis aux gardes ce que j’ai compris du message. Ils semblent satisfaits. Ouf, ils m’ouvrent le passage. 

 

6-   LE ROI D’AXOS

Je ne sais comment, par qui, le roi a été prévenu de mon arrivée et ilm’attend. Il semble bienveillant malgré son statut de maître. Je me présente et lui parle de ma rencontre avec Ousman. Je lui décris ce que j’ai vu dans le bateau du désert, l’état dans lequel sont les hommes. Je luiavoue la crainte que j’ai éprouvée lorsqu’Ousman m’a demandé d’aller chercher la pierre aux pouvoirs magiques. J’ai besoin de lui parler de ce que j’ai découvert sur le chemin qui m’a amené jusqu’à lui, de la beauté du désert, de son silence, du chant du vent, des couleurs, de son immensité et de la peur de m’y perdre. Il m’écoute attentivement. Il semble touché par ce que je lui révèle. Il demande à un de ses serviteurs d’aller chercher le précieux trésor. Il est enveloppé soigneusement dans un étui tissé de fils de soi. Le roi me le tend en me demandant d’en prendre soin et de le ramener à Ousman. Je n’ose le toucher. Le roi insiste. Ousmanattend. Je dois lui rapporter au plus vite la pierre. Délicatement, je prends l’objet que je dépose dans mon sac. Je regarde le roi. Je ne sais comment le remercier. « Va, repars, rejoins le bateau du désert, Ousman a besoin de toi avec la pierre ». Je quitte le roi, je suis ému, je sors d’Axos, je me retourne une dernière fois. Je laisse la ville aux mille fruits, la ville de la vie, celle que je vais transmettre à Ousman et aux siens.

 

7-   LE RETOUR

Je reprends ma route et refais le chemin inverse. Je retrouve les mêmes paysages, les mêmes couleurs, les mêmes silences, les mêmes chants… Le désert m’apprivoise, je le traverse avec plus de légèreté. J’ai encore beaucoup à apprendre de lui, mais je sens qu’il me devient familier. Je pense à Ousman, aux femmes, aux enfants et aux hommes du bateau du désert. Bientôt, le vent qui souffle depuis des mois va s’endormir et les hommes retrouveront leur vitalité. La vie reviendra comme avant la malédiction. Ousman me voit arriver. Il m’accueille chaleureusement. Je lui donne l’écrin. Je regarde Ousman et le laisse. Dans son regard j’ai compris qu’il avait besoin d’être seul pour accomplir le geste de délivrance. Je repars vers d’autres horizons avec dans la tête, cette rencontre inoubliable.

 

Jordanie, février, mars 2012


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