http://aphanese.viabloga.com/news/maroc-2019 vers les photos du séjour..
PAS DE DEUX
Chaleur. Fraîcheur. Chaleur du soleil brûlant ta nuque, fraîcheur du vent sur ta joue, tu ressentais ce tourment et ce plaisir pendant que ton chèche battait timidement ton ventre. Ne rien voir, n’exister que dans le cercle immédiat du toucher, le cercle plus large des parfums et celui plus large encore de l’ouïe. Le vent, le vent m’enveloppe comme un châle, il glisse sur le torrent, se tapit dans les sous-bois, et parfois s’arrête, debout sur ses deux pieds, sur des à-plats de la vallée. Il pousse mille messages à mes narines, des parfums ronds ou poivrés, des senteurs brumeuses ou capiteuses, huileuses parfois, où je crois reconnaître le thym, l’armoise ou la rose, et même l’odeur grasse du crottin et de la vase. Ne rien voir et ressentir plus fort la chaleur, m’étourdir de vent et du tumulte des oiseaux. Mon souffle est régulier mais parfois me pousse dans la montée d’une berge et, en haut d’une butte, aspire à grands poumons les falaises et la rivière, les champs et les sous-bois, et le vent qui les contient tous. Ne rien voir mais sentir la caresse de l’eau, le courant qui pousse le pied dans un sens ou dans l’autre, la rondeur du galet ou l’enfoncement mou de la vase, l’approche de la rivière à la voix claire. Le sable massait tes pieds, pulvérisant doucement la limite de ton corps dans l’eau froide qui traçait une frontière nette à mi-mollet entre tout ce qui se trouvait en-dessous, tes chevilles que tenait fermement le velcro de tes sandales glacées, tes pieds qui sentaient parfois des minuscules cailloux polis d’eau s’immiscer sous leur plante, tes orteils qui soulevaient des grains de sable venant frotter ta peau sous la lanière, et le reste de ton corps au-dessus, poisseux de sueur collante qui faisait de tes vêtements comme un épiderme reptilien réveillant en toi un désir impérieux de t’en dépouiller. Ne rien voir mais sentir la délicate attention de celle qui te guide de l’épaule, qui ralentit aux passages difficiles, marchant d’un pas lent à l’écoute de ton pas, comme on dit « fais attention, assure ta marche et fie-toi à moi, je ne te laisserai pas ».
Marc B.
|
|
3ème galerie photos2ème galerie photos1ère galerie photos |