- Hum hum - Oui je veux, souhaite, désire, savoir pour quoi je suis ainsi, pourquoi…je souffre, pour quoi la complication… - Oui vous pensez à quoi … - Être moi-même…pleinement - C’est à dire - C’est ça, c’est ça qu’il me faut savoir, connaître - Vous voulez dire maîtriser… - J’ai rêvé que quelqu’un m’accueillait me proposait aussi de passer la nuit. C’était une situation simple, le couple, qui me recevait, s’endormait au-dessus - Ah - Alors ? - Y aurait-il un lien entre votre désir d’être vous-même et d’avoir une place quelque part ? - le rêve est le rêve, dîtes-moi - quoi - Malentendu - Quoi - Je vais partir - Qu’allez- vous quitter - Le lieu, l’absence de réponse, vous. - Partir oui, hors de vous, hors du lieu, quitter ce lieu, cet espace… - Vous voulez savoir - Oui je veux pour vivre alors - Ceci est possible - Alors? … vous vous taisez - Non…écoutez, venez souvent, très souvent, régulièrement sans ^lus jamais poser cette question. - Pourquoi - Vous n’êtes pas prête… - Que me promettez-vous - - à demain - - Que dites-vous… ? - Que se passe-t-il pour vous ? - J’attends, vous allez me dire - …Souffrir, désirer - qu’arrive-t-il ? - Venir, écouter la pensée, les rêves, écouter - « vous êtes obligé d’aimer le monde… l’éclaircissement vient du chaud, du feu, du sel, du mur, de la vitre, de la table, de la porte qui claque, des dalles du parquet » le seul avantage est d’entendre mettre des mots d’humains sur ceux du feu, de l’argile, du bois et du ciel pur. Ca a commencé quand vous étiez encore entre les cuisses de la mère avant qu’on ne vous détache… ils vous ont dit on va lui apprendre, avant de naître vous en saviez plus, et saviez juste à l’endroit où la tête était collée dans le ventre de la mère. Vous savez désormais pour retrouver ce juste…venez, rêvez, pensez - est-ce possible - à demain. Où nous conduis-tu ? Les yeux s’emplissent de roches dures et de dunes tendres, La peau brûle sous le souffle du désert, Le silence du Hoggar nous habite. On a tenté de reprendre vie, d’accepter ce qui vient, d’écouter l’autre, de regarder au-dehors. Ne l’as-tu pas demandé ? On traverse le désert, on doute, on s’étonne, on a tant de valises à déposer. Ici et maintenant. Suivez bien, c’est l’IM qui se passe en IM et pas l’IM de quand j’écris ou que je vous lis. Parce qu’y a trois IM, mais y en a qu’un qui compte. L’écho à double corps ça s’appelle. Pour les puristes, des IM y en a trois, mais de vrai ça fait qu’un. Soyez pas étonnés, le monde a été créé par Dieu, Dieu c’est trois en un, donc l’IM c’est pareil. Vu ? On va pouvoir commencer ? OK, on y va. D’abord, l’incipit. Là j’ai beaucoup réfléchi. Hier soir Marie-Françoise proposait « les mots sont des balles perdues » comme excipit. Moi je l’aurais plutôt mis en incipit, mais enfin. Ça m’a travaillé toute la nuit, tellement ça fait mal ce qu’elle dit. Y avait des mots qui se baladaient de toutes parts dans ma tête, et ça sifflait, ça pétaradait. Salement méchant. Y avait rien à faire, ça partait en rafales dans tous les sens. On entendait les impacts, dans tous les styles, vacheries parentales en douce, acidités fraternelles mine de rien, ostracismes verbaux copinesques, professoriations sadico-méprisantes, en shrapnels, en obus incendiaires, j’en passe, on entendait les cris des blessés qu’avaient pris un adjectif dévalorisatif dans l’estomac, les râles des mourants dont le cœur était éclaté d’un indicatif de haine. Un vrai carnage vocalo-linguistique. Même de l’anglais, même de l’allemand, je suis pas sûr qu’y avait pas du chinois genre pince-mi pince-moi. Alors je me suis dit, halte au feu, faut faire quelque chose. Faut pas leur laisser tout le vocabulaire, à ces étrangleurs de sens, à ces assassins d’herméneutique. Et à l’aube, quand l’Orient s’est éclairé d’un fin liseré blanchâtre qui n’avait plus rien à voir avec les flammes des fusils de la nuit, c’était là. On allait s’y mettre, les maux c’est fait aussi pour en rigoler. Ce matin mon incipit, merci Marie-Françoise, c’est : « Les mots sont des balles de jonglage ». Voilà, ça y est, c’est parti, fallait pas vous énerver, on y est dans l’IM, on va pouvoir commencer. Ram-ram, ça marche dans le sable ; criss-criss, ça marche sur la pierre ; toc-toc, ça marche dans les cailloux. Vous y êtes ? Je dirais simplement : criss-criss, ram-ram, toc-toc et vous marchez sur le roc, vous enfoncez dans le sable, vous buttez contre les cailloux. Pigé ? Un petit essai ? Ram-ram, toc-toc, criss-criss, toc-toc, ram-ram. C’est difficile d’être dans l’IM, j’en ai entendu deux qui ont failli se prendre une gamelle. Donc, on avance comme ça. Début de journée, ram-ram, criss-criss. Puis ram-ram ça s’est ralenti et c’est devenu plutôt criss-criss et toc-toc, et c’était beau, c’était beau. Des enfilades de grès en colonnes chancelantes sur fond de sable et de ciel azur clair. Waouh, trop bien l’IM. Et puis plateau en grandes dalles grises de schistes métamorphiques, façon ardoisier, sonores, ça et là fragmentées et érodées, criss-criss, toc-toc, ça galope, ça galope. Il disait rien là-haut mais en douce il commençait à lâcher ses chevaux. Le fonds de l’air était encore frais pendant que le soleil envoyait de ci de là un petit rayon, zip, zip, zap, zip. Moi je disais rien, je sentais. Devant il y avait Marie-Françoise et Marie qui collait le train à Roni, derrière on jouait de rwww clic, et ça mijotait doucement sur la cafetière, sur les épaules, et tout doucement au contact du sac je sentais la chemise qui s’humidifiait. Et bonjour les mouches. Depuis l’aube elles étaient là. Maintenant la transpiration les rendait dingues. Elles me suçaient, elles me suçaient, shh burp, shh burp. Je commence à me dire ‘je vais te les claquer moi’. Et puis j’ai pensé ‘non, non, aujourd’hui PJV+PCP, reste calme’. Bonjour Saint François, l’ami des animaux, bonjour frères et sœurs mouches, prenez ma transpiration, prenez ma sève, je la renouvelle pour vous. Oh douce harmonie et démangeaison, merci Saint François, bonjour soleil, merci de tes gentils rayons. Et lui, tranquille, il en rajoute une louche, splatch, splatch, dix degrés d’un coup. Bon je passe les péripéties, direct à l’essentiel, criss-criss, toc-toc, rwww clic, merci sœur François, et on arrive à la gorge, pas la mienne ni celle des filles, celle du rocher, celle de la guelta et on se baigne. Floc, floc, blurp glup, flic flac. Bien, biieeennn, biiieeeennnn. Bonjour sœur fraîcheur. Salut les mouches, là vous avez de quoi faire. Je sors du défilé, et je sens que quelque chose change. Apparemment tout est toujours pareil. Marie-Françoise s’est laissé distancer au départ, mais très vite elle a rattrapé Marie et Roni. Elle double Marie vite fait et le groupe de tête est reconstitué. Fouette cocher. Nous on suit, Marc tranquille, à son rythme, rwww clic, criss-criss, toc-toc. Moi j’ai ma patte droite qui batifole par moment. Jean-Louis c’est le Saint Bernard et Laurence nous accompagne. La température a grimpé d’un coup, position 5 du four. Tout ça mijote tranquille un moment. Et puis ça m’explose d’un coup plein poire. On monte les bords du lit asséché d’un oued, la pierre est en empilement de strates gréseuses, épaisseur brun rouge, parfois plutôt ocre, une pâte grossière, par moment ça vire schisteux avec fines diaclases horizontales, la surface est cramée façon épandage rapide de goudron fumant, reste de bulles éclatées en pustules, nids pour sœur fourmi et frère scolopendre. On monte, ça transpire et ça souffle, ma patte droite prend une indépendance ravageuse, mode jambe de bois et pied en godille. Le ciel vire au blanc. Thermostat 7/8 fonction grill. Les sonnettes s’agitent d’un coup. Alarme. Alarme. J’en chancelle à moitié. La veille au soir, à El Ghoussour, je regardais le jour tomber, la nuit monter, assis sur une petite éminence rocheuse au bord d’une large vallée. La rive en face était peuplée de tours crénelées à mâchicoulis, forteresses médiévales mâtinées ça et là de redoutes arrondies à Je suis retourné au campement la tête basse. Et voilà qu’aujourd’hui c’est la pierre que je gravis qui me crie, criss-criss, criss-criss, elle me crie : que fais-tu là ? Qui t’as permis ? Que veux-tu de nous ? De nous ? De nous ? Crois-tu que nous voulons de toi ? De toi ? De toi ? (ici, IM oblige, j’interromps un instant la retransmission pour vous signaler le vol plané de deux choucas, façon Soulages, noir tellement brillant sous le soleil que ça fait blanc, et qui se posent sur l’escarpement rocheux à votre gauche). Nous débouchons sur un plateau. En fait c’est une vallée, entre 100 et Ram-ram, criss-criss, toc-toc, nous débouchons sur un replat du fleuve perdu. Une ombre jaune verdâtre y subsiste. Ça et là quelques acacias dans un temps et une vie suspendus. Broum. Les sacs tombent des épaules. Broum. Les corps suivent. Repas. Sieste. De celle-ci je ne dirais rien, pour n’avoir pas à révéler qui ronfle ou pas. Ma chronique n’a point pour nom délation. Tableau d’après sieste. Sourire de Marie plongée dans son livre, rire de Jean-Louis vers qui elle a communiqué le sujet de sa joie, Marie-Françoise armée de son cahier et de son stylo lutte fièrement contre le vent, Marc en vigie nez droit devant et bras étendus position du planeur extasié, Laurence assise sur sa chaise tel le Dr Livingstone savourant son whisky aux sources du Nil et se préparant à accueillir le capitaine Marchand. Dr Livingstone, I presume ? Ooo, Capitaine Marchande, c’être trop gentil de visiter une subject de sa Graciouse Majesty. Puis-je vous offrir un britannique breuvège ? Ta ta, ta ta, ruée sur les 4x4 et en avant Rintintin pour de nouvelles aventures. Brrroum, brrroum, cinq minutes ou dix ans plus tard, les 4x4 déposent 4 silhouettes sur un immense plateau de sable (oh les parieurs réveillez-vous, 3 fois 4 en 5 mots, sûr que c’est gagnant dans la 4° à Vincennes, faut tout vous dire !). Mer d’huile scintillante, quatre heures de pyrolyse bloquée (je dis 4 pour faire plaisir aux turfistes) le sable fume à tout va, loin devant palmiers et doux miroitements de la marée sous un ciel par la chaleur blanchi. Par place la surface du sol clair est constellée de fins semis de résidus caillouteux divers, noirs basalte vus de loi, multicolores vus de près. L’horizon, pour autant qu’on le devine, parait bordé de collines, arrondis gréseux et sableux, forêts sombres d’orgues du diable au Sud-est sur lit de dunes claires. Naturellement c’est par là que nous prenons, nous les quatre silhouettes envoilées et enchéchées comme faire s’est pu. Je marche mais n’en mène pas très large. Ram-ram, ram-ram, ça ne me fait plus rire. Je me chantonne des ritournelles de la chorale, rwww clic, rwww clic, quelques photos pour me donner contenance. J’ai beau y faire, ça change de registre. Ici il n’y a plus d’arbres, plus de touffes d’herbe. Sec, sec, chaleur, sec. Le baiser du soleil ne laisse au voyageur que la poussière du sable et l’éclat de ses mirages fuyants. Une voix revient en moi. C’est la voix du plateau, la voix du sable, la voix des forêts de basalte lointaines, sapinière jurassienne carbonisée, la voix du vide, du sec. Est-ce la voix que Lalla entend lorsqu’elle part sur les pistes caillouteuses et brûlées à la recherche du Hartani, la voix qui parle en elle, voix silencieuse qui s’impose peu à peu, la voix portée par le vent qu’on n’entend pas avec les oreilles, la voix de celui qu’on appelle Es Ser, le Secret ? Elle aussi, elle dit les mots qui mettent mal à l’aise, qui révèle impitoyablement les faux-semblants et les mensonges comme le vent du Simoun, le vent de sable qui abrase les rochers, assèche les puits, fait périr les buissons, les acacias, décape les os des chèvres des chameaux et des gazelles et en parsème les fragments blanchis à travers le désert. Es Ser, qui sait tout, qui dit tout, qui fait périr ceux qui ne veulent pas entendre ses paroles silencieuses, ou ceux qu’il aime trop, on ne sait pas, il est imprévisible comme le Hartani, l’innocent, le cœur pur. Es Ser, l’âme du vent sec sur la plaine brûlée, qui déverse ses questions incandescente, les questions qui tuent ceux qui ne savent pas d’un vrai savoir la réponse aux interrogations qu’il énonce : qui es-tu ? Que fais-tu ici ? Pourquoi me cherches-tu ? La marche se poursuit. Souvent je rajuste ma coiffe, ma bouche se parchemine. Les 4x4 nous reprennent. Les 4x4 nous reposent, au pied des dunes, au pied des colonnes qui sont devenues blondes, qui sont devenues roses. Ram-ram, les pieds enfoncent dans le sable, la pente se fait pénible à gravir, fuyante sous la chaussure. Le souffle sous le chèche plus bruyant, plus difficile, qui es-tu ? que cherches-tu ? Que me veux-tu ? Nous sommes maintenant sur une vaste mer, un océan de sable ocre, ample surface animée de la houle des dunes, par endroit émergent les superstructures rocheuses des terres englouties. Moles torturés d’empilements gréseux roses et jaunes, tantôt arrondis, tantôt retaillés en pilastre, dents carnassières ou broyeuses des dinosaures engloutis, assiégés de vagues de sable un instant immobilisées. Continent englouti sous l’arène, j’entends sonner les cloches de la cathédrale d’Is, je devine l’Atlantide submergée sous le sable, contrairement à la légende qui en fait une terre sub-aquatique, et le troisième pilastre sur la gauche de la place où nous stoppons un instant est sans nul doute possible le reste du minaret de la mosquée de Smara, la cité qu’avait construit Ma el Aïnine, l’Eau des Yeux, sur l’ordre d’Al Azraq, l’Homme Bleu venu de Chinguetti, le Saint du Désert, l’Elu de Dieu, celui qui n’enseignait pas avec les mots de la parole mais avec des gestes et des prières pour obliger ses visiteurs à s’humilier dans leurs cœurs. L’océan dont j’entendais les pulsations fluides il y a quelques heures a été noyé, le soleil, le vent et le sable ont gagné la partie. Nous marchons, nous marchons, et la voix d’Es Ser, le Secret, la voix qui ne parle pas, qu’on n’écoute pas mais qu’on entend, me torture : qui es-tu ? Que veux-tu ? Que fais-tu ici ? Je marche et je transpire, mes pieds enfoncent et glissent dans le sable. Et puis soudain : et Moi qui suis-je ? J’eus le souffle coupé, tandis que nous marchions, je restais un moment impressionné, presqu’effrayé de cette apostrophe. Puis prenant courage, je m’adressais à lui, lui disant ces paroles qui n’étaient pas prononcées, tandis que nous marchions, enfonçant chaque pas dans l’écume sableuse : « Vous êtes la lumière de l’aurore en même temps que la nuit qui se dissipe, vous êtes le grain de sable en même temps que le cosmos entier. Vous êtes l’océan marin qui façonne ce paysage en même temps que le sable qui l’assèche et l’engloutit ». Et je voyais la plaine engoncée dans des moutonnements infinis de sable, les rochers qui en saillaient à peine, et j’escaladais les dunes, enfonçant jusqu’aux genoux. Comme il ne répondait rien, je m’enhardis : « Vous êtes Lucifer, le porte-lumière déchu et l’Archange Gabriel qui le combat. Vous êtes l’épée de l’un et de l’autre qui s’entrechoquent maintenant, qui projettent une myriade d’étincelles pour peupler la nuit du ciel et faire tomber un torrent de feu sur la terre ». Et ici je sentais le brasier dans le ciel, je voyais les rochers qui se calcinaient, noircissaient, desquamaient en fragments de peau boursouflée, je voyais la terre qui se fendait de toutes parts. Toujours plus loin leurs lames en bataille projetaient des flammes en tout sens. Waouh. Waouh, Waouh. Vietnam 67. Nixon assassin, Nixon assassin. Les B52 décollent de Nuam-Kong, comme des frelons en bande ravageuse, soutes chargées à bloc. Drunky Dalton, Drunky Dalton, objectif en vue, objectif en vue. Nasty Monk, Nasty Monk, larguez tout, larguez tout. Et les nuages de liquides jaunes se déversaient, et le napalm tombait, aussi dru que la pluie de la mousson. Et je voyais les palmiers, et les arbustes et les herbes qui dépérissaient, les animaux qui mourraient, et je voyais les troncs des arbres, les maisons, les hommes, les femmes, les enfants qui brûlaient, et les fleuves et la mer qui s’évaporaient, et les rochers qui se calcinaient. Nasty Monk, Nasty monk, tango bravo, tango bravo, bravo, bravo, OK, OK. Waouh et je voyais le feu du ciel qui repartait vers New-York City, twin towers, groud zero, tango tango, it’s over, it’s over, Kentucky for ever, ever, ever, Oklahoma for ever, tango tango. “Vous êtes le napalm qui tombe du ciel et vous êtes le nourrisson dont le berceau s’enflamme. Vous êtes la source fraîche et les rayons du soleil qui l’assèche ». Et je voyais le Sahara qui jaunissait, se desséchait, les bêtes et les hommes qui se clairsemaient. « Vous êtes la douceur de vivre sur ces plateaux et ces dunes, au creux des oasis, la joie des rezzous dans les villages au bord du fleuve Niger, les courses de chameau, les fantasias renommées des Oulad Yahia, des Idaou Meribat, des Aït ba Amrane, des Icherguiguine. Et vous êtes la vague inexorable des soldats des Chrétiens qui accourent de toutes parts, qui déchirent la terre des Touaregs, des Maquils, des Oulad Delim, des Arib, des Arrousiyine, des Riguibat, et celles des Chleux, des Idaou Belal, des Idaou Meribat, des Aït ba Amrane, et tant d’autres ». Et je voyais au loin la poussière de la colonne des guerriers du cheikh Ma el Aïnine, l’Eau des Yeux, dans sa gandoura blanche et son chèche blanc, avec ses yeux clairs qui transperce le cœur de tous ceux qui l’approchent, entouré de ses combattants à cheval, suivi des femmes des enfants, des troupeaux de chameaux et de chèvres, qui avait abandonné Smara, s’était éloigné de « Vous êtes la soif inextinguible du voyageur qui parcourt les déserts à la recherche de sa vie, vous êtes le vent mauvais qui la lui prend, qui la lui donne, qui la lui reprend à nouveau, et vous êtes l’eau qui sourd du plus profond des puits perdus ». Et je voyais les herbes, les buissons, les acacias qui verdissaient, jaunissaient, se desséchaient, en partie pour certains, en totalité pour d’autres, au cœur des oueds secs, des vallées ensablées ou dans de petites failles des plateaux calcinés. Et j’en voyais certains reverdir brusquement, se barder de piquants, s’embroussailler en tout sens. Et je sentais le poids du sac, les sillons qu’il avait creusé dans les épaules, ma jambe qui godillait, le souffle court de celui qui est fatigué de plus loin que du point du jour, et je sentais le cœur qui se gonflait, l’humidité qui pointait à l’angle de la paupière, sous le chèche et l’opercule noir des pare-soleil, et les gouttes qui se formaient et coulaient peu à peu au long des ailes du nez, à l’angle des commissures des lèvres. Et la nuit tombait peu à peu, et je n’avais rien écouté et tout entendu, et je n’avais rien parlé et tout dit. Le vent cessait, je ne sentais plus la présence d’Es Ser, le Secret. Silence. Vide. Silence. Nous étions arrivés en haut d’une colline. Face à nous la ligne lointaine et irrégulière marquait la limite septentrionale d’une immense vallée noyée de sable, sur laquelle l’obscurité se faisait. Pas un bruit, pas une lumière aussi loin que le regard porte. En grande économie de paroles, nous soupâmes, et un vent vif et froid, venant de l’Occident, recommença de souffler tandis que nous nous glissions dans les couvertures. Au cœur de la nuit la lune répandit un moment sur le sable ses hiéroglyphes effrayants et secrets, les mystères de Vénus. L’aube apparut comme une frange laiteuse striant le ciel d’Orient, au-delà des monts lointains, et le jour précéda l’aurore et la montée du disque d’or pur dans son quadrige de feu sur l’océan de sable pétrifié. Sorties de nulle part dès le point du jour, sœurs mouches, cornettes au vent en régiments serrés, visent avec persévérance aux trous du nez. Ram-ram, les pieds enfoncent dans le sable, tandis qu’on dévale de la colline, contourne des entassements de grès torturés, troués. Rwww clic, bonjour le pittoresque, poses avec sourires, ah oui, elle est bonne celle-là, ça transpire dans les montées. Peu à peu la surface s’aplanit, le sable se prend en croûtes moins fuyantes sous le pied, durcit, fait place par endroits à des argiles précaires, beige sale, cloisonnées en grands carreaux irréguliers de fentes de retrait comblées de concentrations ferrugineuses brun roussâtres. L’horizon s’élargit, on débouche sur la plaine. La sueur n’est pas moindre, le soleil continue de monter. La colonne en marche s’étire, s’étire, Roni est quelque part, là-bas, loin devant, suivi de peu comme dab par Marie-Françoise et Marie, Marc batifole casquette à visière et triple rabat au vent, entre Professeur Jacquard pourchassant le cratère fantomatique du météorite géant à travers le Sahara et Panzerdivision en goguette, Jean-Louis monte et descend la colonne en exhibant sans vergogne la réussite de son chèche, Laurence, chapeau à bords droits façon police montée canadienne avec couvre-nuque et chasse-mouche incorporés, mitraille à tout va, tandis je ne cesse d’hésiter s’il eut mieux valu mettre mes sandalettes, au risque d’abraser mes doigts de pied dans le sable, plutôt que ces grosses chaussures qui me plombent les lattes. Traces de gazelles par ci, traces de gerboises par là. Brrroum, brrroum, les 4x4 sont là, plein tube pour la grande traversée. Nord, nord-est, on remonte la plaine en diagonale, les bergers rouges de Kheops nous saluent du haut du rocher de Gizeh, l’homme à la tête de guépard et celui qui fait tournoyer ses frondes, la femme à cuisses proéminentes et chef d’aigle, d’autres encore armés d’arcs et de sagaies. Brrroum, brrroum, ça ronfle, ça droppe, le sable vole, ça monte, ça descend, ça glisse, ça traverse les lits tortueux des oueds desséchés, ça fonce, ça fonce. Au pied du prolongement nordique de la falaise lointaine que nous devinions hier il ne fait pas moins chaud. Le soleil de midi plombe un max. Les buissons se multiplient. Avec eux les mona-mona noir et blanc voletant de ci de là, ceux qu’on voit un peu partout dès qu’il y a de l’humidité, avec leurs sautillements nerveux et leurs petits cris de pierre à fusil. Et merveille, dans une reculée de la falaise, un puits avec sa margelle de ciment et son assemblage de bâtons pour descendre un récipient au bout d’une corde. Puisage de l’eau, un seau par personne, douche ! douche ! douche ! Derrière un buisson, vite fait bien fait sous les rayons du soleil pour une fois complice. Mleaahhh, qu’il en soit ainsi. Trop bien. Fraîcheur, douceur, harmonie. Et volupté du repas sous l’ombre tamisée d’un acacia. Ça et là des euphorbes au vert éclatant, quelques roseaux se balancent dans un semblant de brise. Les trois thés de Roni, amer comme la vie, fort comme l’amour, doux comme la mort. Un petit oiseau, gros comme le tiers de mon poing, batifole dans les branches basses. Corps effilé, bec fin et pointu, dessous de gorge beige rosé se poursuivant en beige clair sous le ventre, dos bleu foncé, une capuche presque noire sur le haut du crâne, dans le prolongement du bec un trait foncé qui traverse l’œil et se prolonge un peu au-delà. Il va, vient, virevolte, petite tache bariolé dans le vert plus ou moins clair ou foncé du branchage, le gris et le fauve des entrelacs de branches mortes. Il me fixe. Nous échangeons un long regard. IM, temps suspendu. Hoggar, la vie, la mort, la vie, Hoggar, violence et douceur au Tassili. Cette phrase m’avait frappé de sa tristesse insondable avec la brutalité d’une condamnation devant un tableau de Jean-Léon Gérôme au Musée d’Art de la ville. D’où me venait-elle, cette phrase ? Elle m’avait pris par surprise et, une fois le premier choc passé, je compris qu’elle avait surgi de ce tableau romantique du 19ème siècle, de ce tête-à-tête entre Bonaparte et le Sphinx ensablé fixant le généralissime d’un air ironique. Cette peinture se trouvait au bout d’une salle où de nombreux tableaux du 18ème et du 19ème siècle présentaient des paysages bucoliques à la lumière douce entourant des blocs écroulés de palais oubliés. Quelques minutes auparavant j’avais noté sur mon petit carnet : Sous les pierres antiques des temples ouverts au vent, la vie s’écoule, paisible, au pas des ruminants. J’avais toujours sur moi un petit carnet fermé par un élastique et dans lequel je notais des phrases, reflets d’émotions plus que de pensées. J’avais ainsi amassé au fil du temps toute une collection de moments fugaces, mais qui, parce qu’ils avaient ainsi laissé une trace, pouvaient être convoqués autant de fois que je le désirais. Comme une bande magnétique rejouant la pulsation primitive du « Sacre du printemps » ou la gloire exaltée du « Alléluia » de Haendel. « Je me voyais vivant, je me retrouve vieux. » Cette phrase je ne l’écrirai pas dans mon petit carnet. L’émotion était trop forte. Comme un tremblement de terre. Comme un verdict après lequel rien ne serait plus comme avant. C’était bien cela qu’exprimait ce tableau dans lequel j’avais pénétré par cet après-midi pluvieux. La campagne d’Italie et plus encore celle d’Egypte avaient placé les héritiers des Lumières devant les ruines d’empires fabuleux alors oubliés, qui les avaient portés à une méditation artistique sur la puissance irrésistible du temps. « Du haut de ces pyramides 40 siècles vous contemplent » avait dit Bonaparte à ses soldats après la bataille. Les hommes et leurs civilisations laissent des souvenirs effacés de leur heure de puissance et de gloire. Le temps use et abat. C’était bien cela que Gérôme devait avoir en tête lorsqu’il peignait ce sphinx abrasé émergeant encore des sables qui semblait murmurer à Bonaparte d’un air narquois « regarde, regarde ce que le temps fera de toi ». C’était bien cela que tous ces artistes devaient avoir en tête lorsqu’ils peignaient dans la douce lumière d’un crépuscule paisible ces éboulis de temples agonisant silencieusement devant l’œil rond de vaches indifférentes. Après la vigueur de la jeunesse, les civilisations comme les hommes s’affaissent puis s’effacent, laissant derrière elles des ombres qui sont comme des rides de leur splendeur éteinte. La vieillesse. La vieillesse et puis la mort. J’abordais donc la dernière ligne droite de ma vie ? Il fallait me rendre à l’évidence : il en était bien ainsi. J’avais pourtant entamé cette journée avec une excitation joyeuse. J’étais enfin libre, libre de mon emploi du temps, de me lever quand bon me semblait, d’aller où bon me semblait, de faire ce que bon me semblait. Ce jour-là, premier jour de ma retraite après quarante ans de bons et loyaux services, je n’avais de compte à rendre à personne, à personne d’autre que moi-même. La veille, j’avais définitivement dit adieu à mon travail au bureau, à ma petite vie grise et étriquée, rythmée par les discussions avec les collègues sur le temps qu’il fait ou ne fait pas ou devrait faire, sur l’émission de télévision de la veille ou de ce soir, sur les vacances passées ou les vacances à venir, sur les derniers résultats sportifs ou du loto, sur les problèmes de couple d’Untel ou d’Unetelle, sur la promotion qu’on attend ou la promotion qui vous échappe, sur « et il m’a dit, alors je lui ai dit », toute cette vie, toute cette petite vie passée à tuer le temps en attendant que ce soit lui qui nous tue, à faire semblant que rien ne presse, que l’éternité est avec nous. Aussi, lorsqu’ils m’ont demandé pendant le pot de départ avec un air faussement jovial si je n’avais pas trop peur de m’ennuyer avec ces journées maintenant vides, j’ai souri, persuadé qu’au contraire ma vie allait enfin commencer. Jusqu’à ce que cette phrase se plante dans mon crâne. Je me voyais vivant, je me retrouvais vieux. Etait-il donc trop tard pour moi ? En sortant du musée j’avais encore l’âme pleine de ces ruines sublimes exsudant une terrible nostalgie. Je marchais sans prêter attention au monde qui m’entourait. Qu’y avait-il de plus important que cette petite phrase échappée du tableau de Gérôme qui continuait de se répercuter en fracassant mes pensées et en rongeant mon esprit comme un acide ? Qu’y avait-il de plus important que cela, quel verdict pouvait être plus définitif, plus irrémédiablement, terriblement définitif ? Etait-il possible de commencer de vivre à soixante-deux ans ? Un choc à l’épaule me fit brutalement sursauter. Je m’excusais par réflexe mais la silhouette que je vis en relevant la tête – jeune femme, la trentaine – s’éloignait sans ralentir son pas pour se jeter dix mètres plus loin dans les bras d’un grand gaillard. S’était-elle seulement rendu compte de notre bousculade ? Malgré une bouffée de colère, une sorte de honte incongrue me retint de l’apostropher. Etais-je devenu à ce point transparent, immatériel ? Quand donc avait eu lieu cette transformation ? Même après que Josiane m’eut quitté, il y avait de cela si longtemps, j’étais resté un être de chair et de sang, j’avais pu me reconstruire au gré d’aventures qui, je m’en rendais compte maintenant, m’avaient apporté plus de mélancolie que de joie. Alors, quand donc étais-je devenu cet être imperceptible, indétectable, étrangement asexué et sans consistance ? J’eu beau chercher, aucune rupture dans ma vie ne marquait une frontière nette entre un « avant » et un « après ». La seule rupture était celle de mon réveil à la réalité, une demi-heure auparavant, ce premier jour de la retraite, devant le tableau de Jean-Léon Gérôme, de ce moment précis où cette phrase avait pénétré mon esprit et s’en était emparée. La seule rupture, mais quelle rupture ! C’était celle d’une vie vécue comme un lent ensommeillement d’où je me réveillais brusquement pour me découvrir vieux. Appartenais-je encore à ce monde ? Qu’avais-je à attendre encore de la vie ? Les joies et les espoirs appartenaient à la jeunesse, je n’y avais plus droit, j’avais fait mon temps, il ne me restait plus qu’à attendre. En retournant chez moi je remarquai (pour la première fois de ma vie je remarquai vraiment) ceux que les vivants – ces jeunes aux couleurs vives et aux gestes exubérants, ces adultes aux paroles fortes et au regard assuré – rejetaient sur les bords des trottoirs comme des débris voués à l’oubli. Ces petits vieux, qui donnaient l’impression de s’excuser d’être encore là, qui se faisaient le plus discret possible, ces petits vieux je venais de les rejoindre. Je faisais maintenant partie de cette armée des ombres. J’allais m’y enfoncer jusqu’à disparaître. Il n’y avait plus qu’à attendre. Et tout serait terminé. Arrivé chez moi, je m’effondrai dans mon fauteuil sans même prendre la peine d’ôter mon imperméable encore humide. Le jour descendit lentement, la nuit inonda imperceptiblement mon salon. Je n’allumai pas la lumière, à quoi bon. Combien de temps restai-je ainsi, immobile, dans l’obscurité ? Puis, j’allai me coucher. *** A mon réveil, l’esprit encore embrumé, je me renfonçai sous les couvertures, tentant de m’enfouir de nouveau dans le sommeil. Cette journée je ne voulais pas la vivre, juste l’oublier, elle et toutes celles qui suivraient. Qu’on me laisse tranquille. Qu’on me foute la paix. Que je me lève ou pas quelle différence, quelle importance, à quoi bon ? Je m’enfonçai sous les draps comme une taupe dans son trou, rabattant les couvertures sur ma tête comme une pelletée de terre. Dormir, par pitié dormir ! Mais j’eu beau essayer, le sommeil ne se laissa pas commander. Les pensées, les regrets et une colère sourde contre ce que je vivais comme une injustice (Pourquoi moi ?) roulaient sous mon crâne comme les grondements d’un chien. Au bout de longs moments d’une somnolence ténébreuse (combien de temps dura-t-elle, une heure, deux heures, ou plus ? j’étais si concentré à oublier le temps que j’en perdais le compte) je commençai à étouffer dans mon caveau de laine. Comme un plongeur en panne d’air qui d’un dernier coup de reins perce la surface, je rabattis brusquement les couvertures. De l’autre côté des rideaux tirés sur le jour le soleil me hélait. Rageur, je lui tournai le dos. Son appel s’entêta de manière obstinée mais je refusai catégoriquement de lui faire le plaisir d’y répondre. Nous nous affrontâmes ainsi longtemps, tête de mule chacun, lui avec une douceur moqueuse, moi avec une colère rentrée. A un moment je me retournai pour le provoquer. Je plissai hargneusement les yeux dans la luminosité diffuse qui imbibait ma chambre d’or et de mauve… Je cédai. *** Longtemps, sous la douche, l’eau chaude coula sur mon crâne incliné puis sur mes paupières baissées, ruisselant sur mon torse, se perdant un temps dans les plis de mon aine avant de plonger le long de mes jambes et, sans perdre de temps à mes pieds, s’écoulant dans le drain. Je restai ainsi, immobile, sous la caresse de l’eau. *** La veille, j’étais rentré chez moi comme un somnambule, je n’avais pas acheté de pain, je n’avais pas dîné non plus, et il était près de midi. Cela faisait presque 24 heures que je n’avais pas mangé. Aussi, une fois habillé, je sortis. Sitôt ouverte la porte de l’immeuble, une chaude lumière m’enveloppa de son frou-frou aérien. Un léger vent tiède balançait les branches des arbres, et cela faisait comme une manière d’agitation de bras de grands amis venus me saluer. Je fermai les yeux et inspirai profondément. Tout ce bleu, et puis ce vert, et cette lumière… Je pris sur la droite, vers la boulangerie. Un trajet de cinq minutes, et dans 10-15 minutes, aller-retour, je pourrai calmer cette douleur qui me triturait le ventre comme si j’étais mangé de l’intérieur. Mes chaussures étaient usées, fatiguées, je n’avais jamais pu prendre l’habitude de les cirer régulièrement. Heureusement il ne pleuvait pas aujourd’hui. Leurs lacets aussi étaient usés jusqu’à la corde, bientôt ils me lâcheraient. Je devrais faire attention, mes revenus, déjà bien maigres, allaient encore maigrir. Quelles seraient alors mes marges financières ? Etais-je condamné à vivoter, à calculer au plus juste chaque sou, chaque dépense pour me maintenir difficilement à flots jusqu’à l’instant final ? Etait-ce cela la vie qui m’attendait maintenant ? Heureusement, j’avais quelques économies, il faudrait que je décide comment les utiliser au mieux pour qu’elles me durent le plus longtemps possible. *** « D’abord, tu prends une marmite, une grosse » expliquait le jeune homme assis à ma droite au café à son camarade allemand. Après mon achat à la boulangerie, la glorieuse lumière de cette journée et les échanges taquins entre la jeune serveuse et un habitué (« Donnez-moi une tartelette aux fraises, celle qui est à 2,50€. » « A 2,50€ ? Super, la journée commence bien ! » « Ca, c’est ce que me dit ma femme tous les matins. »), je n’avais pas le cœur de retrouver ma solitude monacale. J’avais décidé (folie suprême !) de petit-déjeuner à midi dans un café qui se trouvait sur mon trajet et dans lequel je n’étais jamais entré. - Grosse comment ta marmite ? demanda le jeune allemand avec un fort accent. - Grosse comme ça, tu vois. Tu as beaucoup de choses à mettre dedans et, en plus, il faut que la chaleur soit bien uniformément répartie. D’abord tu mets de l’huile, tu rajoutes des lardons et des oignons et tu les chauffes. Ensuite tu les retires… - Quand ? interrompit son interlocuteur. - Il faut que cela change de couleur. Alors ensuite, tu mets ta viande de bœuf dans l’huile chaude et tu la cuits jusqu’à ce qu’elle change de couleur en surface. A ce moment tu rajoutes tes oignons et tes lardons, tu mélanges, tu verses ton vin rouge (dans la casserole, hein ! tu peux aussi boire un petit verre, remarque), tu mélanges. Tu rajoutes des carottes en rondelles, des champignons, et tu laisses mijoter pendant deux heures. - Qu’est-ce que c’est « mijoter » ? - Ca veut dire chauffer sur le plus petit feu possible. En français on dit « mijoter », M-I-J-O-T-E-R. Tu laisses donc mijoter (mais vraiment à petit feu) pendant deux heures. Ah oui, j’oubliais : il faut aussi ajouter des herbes – thym, laurier, romarin, herbes de Provence. C’est très important ça, les herbes, pour parfumer le tout. Et voilà, c’est tout. C’est simple, non ? Ca s’appelle un bœuf bourguignon. Et c’est bon ! - Pourquoi, « bourguignon » ? - Parce que c’est une recette de Bourgogne, avec du vin rouge de Bourgogne. Là, ça fait une heure que ça mijote. Caroline va arriver dans une demi-heure. Le temps de prendre l’apéro et ce sera prêt. Je regardai mon petit crème et ma tartine. Un bœuf bourguignon… Quand avais-je cuisiné pour la dernière fois ? Le jeune français commençait à s’impatienter pour payer et essayait de capter l’attention du serveur qui s’obstinait à regarder dans une autre direction. - Il y a une autre solution, c’est de partir en courant, ironisa-t-il avec un sourire carnassier. Il y a toujours une solution : A ou B ou autre. On apprend ça tout petit : thèse, antithèse… - … prothèse ? - Prothèse ! Ah le con ! Mais non, synthèse ! Et ils s’esclaffèrent comme des gamins. Lorsqu’ils eurent payé et qu’ils furent partis je me retrouvai comme dans une bulle de silence malgré le brouhaha environnant. Les premiers clients du déjeuner commençaient d’arriver et de s’attabler dans la partie du café où les tables avaient été préparées à cet effet. N’ayant pas encore décidé de la suite de ma journée je me laissai envahir par une douce somnolence et me perdai dans la contemplation des visages, nombreux, qui m’entouraient sans m’arrêter sur aucun en particulier, balayant du regard les clients attablés ou debout au bar et la foule qui déambulait au dehors sur le trottoir ensoleillé. J’avais pris l’habitude pendant ces quarante années de travail d’avoir toutes mes journées (chacune d’entre elles) organisées, prévisibles, donnant par là même l’apparence d’un sens à ma vie. Je me levais chaque matin avec un but, sans vraie valeur certes, mais néanmoins un but, prévu, planifié longtemps à l’avance, il n’y avait qu’à suivre le courant. Tout cela, depuis avant-hier, avait disparu. Qu’allais-je donc faire de cette journée ? Cette question je devrai me la poser dorénavant chaque jour du reste de ma vie. Et je ne savais plus si je devais en ressentir le soulagement d’une liberté retrouvée ou l’angoisse d’une condamnation éternelle à l’ennui. Penser me devint pénible, mon esprit balançant comme sur les deux bras d’un fléau qui, cherchant son équilibre (entre ces deux sentiments de la liberté ou de l’ennui éternels), me donnait une tremblante nausée. Aussi m’abîmai-je dans une contemplation, que je voulais sereine, du monde, des gens, de la rue au-dehors, du café m’entourant, contemplation ne s’accrochant à rien de précis, ne voulant que cela, papillonner, glisser, surtout ne s’arrêter sur rien car alors me reviendrait de manière lancinante et butée cette question de mon emploi du temps et derrière elle, à l’affût, celle de mon utilité sur Terre maintenant que je n’étais plus utile à rien ni personne, que nul ne m’attendait pour remplir une tâche, que je n’étais plus qu’une ombre gênante dont tous considéreraient la disparition dans un avenir plus ou moins proche comme un événement logique ne méritant pas qu’on s’y attarde un seul instant. Je restai ainsi, m’efforçant de garder l’esprit vide et pourtant en proie à une émotion grandissante. Pour la deuxième fois de la journée me vint une sensation d’étouffement. Je me levai, payai, sortis. Je marchai vivement, ressentant maintenant l’urgence de m’épuiser, de m’abrutir, de laisser mon corps et mes muscles pomper toutes mes pensées pour les assécher - dieu qu’il est dur d’oublier, de s’oublier, de ne pas être soi ! Marcher, marcher, ne pas s’arrêter, se faufiler entre les voitures, dans la foule, marcher plus vite, atteindre ce carrefour avant que le feu ne passe au vert, marcher, vite, contourner ce bouchon de flâneurs agglutinés devant ces vitrines, vite, marcher, pardon, pardon, excusez-moi, je suis pressé, je ne sais pas où je vais mais j’y vais, il faut que j’y sois, tous ces gens dans mes pattes mais qu’ils s’écartent donc, je voudrais à mon tour les bousculer tous comme m’avait bousculé cette jeune femme hier, tracer mon sillage résolument au beau milieu du trottoir en rejetant de chaque côté ceux-là même qui le considéraient comme leur domaine réservé, je voudrais crier et me battre - à mon âge ! - me battre, oui, tant est grande cette rage qui m’étouffe et déborde de mon souffle et de mes yeux injectés de furie. Je marchai ainsi sans autre but que de vider ce trop-plein qui m’oppressait, ce trop-plein de larmes, de rage et de douleurs, ces larmes qui ne pouvaient sécher qu’au vent de la révolte et de la colère s’alimentant au rythme de mes pas, se vidant au rythme de mes pas, et cela dura sans que j’eusse conscience du temps tant j’étais tout entier à mon combat, un combat que je savais perdu d’avance mais qu’importe, un combat qui s’imposait à moi, auquel je ne pouvais échapper, ne fut-ce qu’une seule seconde, sous peine de mourir, là, maintenant, consumé entièrement par cette lave qui me brûlait les entrailles. Tôt, ou tard, je finis pourtant par ralentir car à soixante-deux ans le corps a ses limites et je ressentis bientôt une grande fatigue, aussi bien physique que nerveuse. La tempête s’apaisait en moi ne laissant derrière elle que la traînée nostalgique de la pluie grise des regrets. Je passai devant un parc (lequel ? je n’aurais su le dire, je le voyais pour la première fois), j’y entrai et rapidement trouvai un banc pour reprendre des forces et retrouver mes esprits. Cela ne pouvait plus durer : je ne pouvais vivre ce qui me restait de vie à m’apitoyer sur mon sort, à maudire mon destin ou à me carboniser au bûcher de la rage. Mais comment m’en sortir ? Je ne voyais pas de solution. Les peintres romantiques avaient raison, il n’y a rien que nous puissions faire contre le temps, il s’impose à nous, il nous impose sa loi, nul ne peut y échapper. Pas même moi. Cette réflexion me replongea instantanément dans un désespoir épouvantable qui m’écrasa brutalement de sa masse énorme. Je ne vis plus la lumière bleue de cette douce après-midi printanière, mon regard était tout entier aspiré en moi vers mon épouvante en laquelle je sombrais comme un navire en perdition disloqué par des vents contraires. - Comment tu t’appelles ? Il me fallut quelques secondes pour comprendre que cette voix légère comme une hirondelle s’adressait à moi. - Comment tu t’appelles ? insista-t-elle. A ma droite se tenait une petite fille de 3-4 quatre ans qui me regardait de ses yeux curieux. - Serge, lui répondis-je d’une voix tremblante que je n’avais pas eu le temps d’assurer. Elle s’anima alors comme font les tout petits enfants et, s’approchant, me montra sa poupée avec un sourire à la fois fier et ébahi. - Elle est très jolie, lui dis-je avec une admiration que je voulais parfaite. Comment s’appelle-t-elle ? Elle eut un air concentré en regardant sa poupée. - Tu veux bien me dire comment elle s’appelle ? - Corinne. - Elle est belle, dis donc. D’un air pensif elle fit oui plusieurs fois de la tête, puis sourit, subitement radieuse en faisant un tour sur elle-même, sa poupée dans les bras, puis en me la présentant brièvement à bout de bras. - Et toi, petite, comment t’appelles-tu ? - Louise ! » Elle cria presque son nom dans une exubérance de vitalité qui me frappa au cœur. - Allons, Louison, n’embête pas le monsieur. » Sa mère s’approchait avec un tendre sourire, du pas calme de celle qui vit un instant de bonheur parmi des milliers d’autres instants de bonheur passés et à venir. « Allez, viens ma chérie, nous rentrons. Dis au revoir au monsieur. » - Au revoir Serge, dit-elle et elle me fit un signe de la main de cette manière touchante et maladroite qu’ont les enfants pour dire au revoir. - Au revoir Louise. Et au revoir Corinne. » Louise retira sa main de sa bouche et son rire éclata en claires trilles enfantines. Elle s’éloigna entraînée par sa mère, en se retournant souvent pour me faire de grands sourires ravis. Lorsqu’elles eurent disparu au tournant d’une allée je levai les yeux dans la mousse d’ombres qui avait gagné mon banc. J’avais été si près de l’enfer et voilà que je ne ressentais plus rien de cette terreur angoissée qui avait menacé de m’engloutir une minute auparavant. Par quel miracle ? La brise se remit à me chuchoter des paroles apaisantes, les grands arbres à me faire leurs grands gestes amicaux et le soleil des clins d’œil dans l’ombre mouchetée. Le jeune homme au café avait raison, il y a toujours une solution, A ou B ou autre. Cette solution c’était à moi de la trouver. D’elle dépendrait le reste de ma vie, d’elle dépendrait ma vie, elle scellerait mon destin. Je pensai à Louise et, à mon grand étonnement, à Corinne. Comment ! Une poupée pouvait mener une existence si importante et la mienne avoir si peu de valeur ? Avait-il vraiment suffi que j’atteigne l’âge de la retraite pour ne plus rien valoir ? Ma vie n’avait-elle vraiment plus aucun intérêt ? Et quel intérêt revêtait-elle auparavant, cette vie de quasi somnambule ? Je sentis dans ma poche mon petit carnet. Je pensai à cette phrase que je n’avais osé écrire, la veille, au musée, je pensai à la puissance insoupçonnée des mots. Cette phrase m’avait terrassé mais une autre commençait à germer et à étendre ses racines en moi : il y a toujours une solution. Je m’accrochai à cette phrase comme le naufragé à son radeau. Allons, je n’étais pas condamné à vivre ma mort avant même qu’elle advînt. Je fermai les yeux et fus surpris de sentir des larmes glisser sur mes joues, mais ces larmes n’étaient pas de rage ni de désespoir, non, c’était les larmes de soulagement de qui a cessé de lutter inutilement (ou plutôt, maladroitement) sans pour autant abdiquer car je sentais que la solution était là, toute proche, qu’il me suffisait d’accepter ce fait incontournable de ma retraite, cette évidence de mes soixante-deux ans, pour qu’une nouvelle vérité m’apparaisse. L’avenir, le passé, la jeunesse, la vieillesse, mon rapport au temps était-il condamné à n’être que celui de victime et bourreau ? Subitement je me levai, en proie à une vive émotion gorgée de l’excitation jubilatoire de qui voit enfin une terre à l’horizon. Je hâtai le pas. Etre ou ne pas être ! Cette phrase qui, auparavant, me semblait d’une grandiloquence si ronflante que je n’y avais jamais prêté attention, m’apparaissait maintenant dans toute sa simple évidence. Shakespeare avait raison, là est toute la question, la vraie, la seule, l’unique question qui vaille ! Vivre. Ou ne pas vivre. Qu’y avait-il de plus fondamental ? Quelle question pouvait être plus essentielle ? Pourquoi, étant vivant, devrais-je passer comme une ombre ou un fantôme les quelques années qu’il me restait sur Terre ? N’avais-je pas été suffisamment ombre, suffisamment fantôme, pendant ces quarante dernières années ? Puisque j’étais vivant, je devais vivre, voilà tout. J’étais maintenant libre de mon emploi du temps (de l’emploi de tout mon temps), j’en ferai bon usage. Et si les mots pouvaient avoir une puissance maléfique, je la combattrai par d’autres mots. Mes mots. Et c’est avec cette certitude enracinée en moi que chaque seconde de vie vaut d’être vécue, qu’il y a une infinité de vies possibles à vivre et parmi celles-ci ma vie, ma nouvelle vie, celle que je construirai à partir d’aujourd’hui, que je retrouvai le chemin de ma rue. Alors, rentré chez moi, je m’assis à mon bureau. De l’autre côté des vitres la lumière prenait une douceur d’ocre contre le bleu pur du ciel. Je m’abîmai dans sa contemplation apaisante quelques instants avant de prendre une feuille. Elle était d’un beau blanc un peu parcheminé. Je l’ai lissée doucement du plat de la main. J’ai sorti mon plus beau stylo. J’ai pris une longue inspiration, et j’ai commencé à écrire : Je me voyais vieilli, je me retrouve en vie. Je m’arrêtai un instant, souris, et me remis à écrire. Il se souvint de son aïeul, attablé dans la cuisine ; ses mains solides et épaisses toujours à la recherche d’activité, couraient sur la toile cirée, tantôt pour attraper une mouche, tantôt pour aiguiser son couteau ; mais son grand plaisir, c’était quand il disait : - « Alors, petit, on s’en fait un ? » Et de se régaler du sourire ravi et du plaisir par anticipation de l’enfant. - « Bon, va chercher le cahier dans le tiroir du buffet. » L’enfant qu’il était s’exécutait alors religieusement, déposant le cahier devant le grand-père, partagé entre le respect dû à cet homme imposant et la reconnaissance pour le bonheur qui allait suivre. - « C’est bien », disait le grand-père, « maintenant, commençons par le commencement : je déchire une feuille… » Et de joindre le geste à la parole. - « Tu veux quoi aujourd’hui ? » Pour l’enfant, la question était difficile et lui demandait une vraie réflexion. - « C’est vrai, grand-père, que les bateaux partent très loin ? » - « Oui, petit, c’est vrai…» - « Alors, fais-moi un bateau, grand-père… » Et le grand-père prenait une profonde inspiration, le temps sans doute de réfléchir au moyen de satisfaire la demande de l’enfant. L’enfant se disait que ce devait être bien compliqué, vu le temps que cela lui prenait au grand-père… Puis les mains solides et épaisses se mettaient à l’œuvre ; tout-à-coup rapides et légères, elles pliaient le papier en moitié, en tiers, en quart, par le milieu, par la diagonale, à l’endroit, à l’envers, et que je te retourne ce coin-ci, et que je te rentre ce coin-là, et que je déplie ceci, et que je replie cela… L’opération magistrale se terminait toujours de la même manière : le grand-père d’un geste auguste et solennel posait sur la table, devant l’enfant, le pliage du jour, avec un : L’enfant, coi, lançait un regard émerveillé à l’aïeul, emportait le chat, la girafe, le château-fort ou le bateau et s’en allait voyager dans le divan du salon. Il venait de rentrer de son dernier voyage et Dieu sait qu’il y en avait eu beaucoup depuis le divan du grand-père. Mais de sa semaine dans le désert, il était revenu chaviré. Il s’était promis de poursuivre régulièrement son activité d’écriture, mais se demandait comment faire : jamais il n’était satisfait de sa prose, il peinait à faire émerger ses émotions, à les mettre en mots… Mais une promesse, fût-elle à soi-même est une promesse. Pas question de flancher. Ecrire, il savait. Cela lui venait aisément et sa plume courait parfois si vite sur le papier que ses idées semblaient à - « Avant de continuer, il faut commencer, petit… », aurait dit le grand-père avec son bon sens coutumier. Partir du concret, comme toujours. Une bonne description pour démarrer, çà marchait immanquablement. Il feuilleta mentalement les images que ce magnifique massif du Hoggar avait imprimées dans son souvenir et s’arrêta sur ces mornes et ces rochers qui émaillaient le désert de leur présence incontournable. Tuyaux d’orgue, monstres endormis ou menaçants, champignons gargantuesques, arches improbables, ponts entre deux mondes engloutis, châteaux-forts inexpugnables, cavernes ombreuses encore habitées par le spectre de populations anciennes… Et l’infinité des couleurs… tellement inattendue. Et la variété des formes et des reliefs… au-delà de l’imagination. Lui, il avait vu ces rochers comme la peau d’un vieil éléphant, tannée, ridée, craquelée… Marie- - « L’écorce des pierres se fissure en plein ciel » Oui, c’était bien çà. Çà lui aurait plu au grand-père. Il l’entendait d’ici : - « C’est qu’elle en a dans la caboche, la petite dame, pour pondre de belles phrases comme çà… » Sacré grand-père ! Bon, ce n’était pas de tout çà, trêve de plaisanterie, son texte n’avançait pas fort. Toujours au ras des pâquerettes. A croire que toutes ses rêveries d’enfant, tous ses voyages à cheval sur la girafe, entre les tours crénelées du château-fort attaqué par les sarrasins, à courir derrière le chat de papier qui faisait pis que pendre, ou à voguer vers des contrées lointaines où l’emportait son insubmersible bateau, tout semblait coulé corps et biens dans le divan du salon. Ce n’était pas encore l’angoisse de la page blanche, mais il ne fallait pas mollir… Pour se relancer, il feuilleta rapidement ses notes de voyage et tomba en arrêt devant cette page sur laquelle il n’avait inscrit qu’une seule phrase qui méritait bien la page entière, tant elle l’avait fait rêver : - « Et pourtant de table rase en fonds précieux s’incarnait l’inconstance du moment ». Trop beau ! Du Marie tout craché… Qu’est-ce que vous voulez écrire après çà ? Ce n’est pas encore aujourd’hui qu’il allait faire des étincelles… - « Courage, petit, un peu de patience… », aurait-dit le grand-père. Et le revoilà revenu au point de départ… - « Rêve un peu, petit… Il n’y a rien de tel pour voyager », aurait dit le grand-père qui n’avait jamais quitté sa ville natale. Il avait raison le grand-père, comme toujours… Il s’allongea sur le tapis du salon et les souvenirs de son équipée dans le désert fondirent sur lui comme une nuée de mouches dans l’oued. Lent cadencement de ses pas, balancement mol de ses bras qui libèrent l’émotion et autorisent les larmes. Son cerveau tournait sans logique, les pensées couraient comme des feux follets, un apaisement sourd était monté doucement de ses entrailles. Sérénité, légèreté peu à peu retrouvées. Il avait alors tourné son regard vers le paysage environnant. Quelques lointains acacias dressaient leurs ramures tortueuses, tandis que le sable alentour emportait leurs branches mortes et nues, fragiles coraux d’os blanc. L’ombre tutélaire du grand-père plana un instant sur lui ; l’image du petit cimetière où il était enterré se superposa à cette vision. Dix ans avaient passé depuis l’enterrement et il se demanda ce qu’il restait de lui… - « Tu sais, grand-père, dans le désert, les os blanchissent doucement sous le soleil…» LVDB Hoggar, 25 Février 2010
Surf sur la tempête du 28 février, l'avion s'est posé
à l'heure juste sur le tarmac de l'aéroport d'Orly ce matin.
De retour déjà...
pour accéder aux photos du séjour
http://aphanese.viabloga.com/news/fev-10
VOUS ME DIREZ
- Vous me direz les raisons qui m’agitent, me conduisent là où je ne sais pas encore…c’est ainsi que je vois les choses.
M.H
Les sphinx inquisiteurs posent sur nous des regards insistants.
On a tenté d’être là, présent au moindre grain de sable, aux variations de la lumière, d’être tout simplement.
Est-ce cela que tu veux ?
La roche immuable nous dit sa certitude, le ciel imperturbable inscrit sa présence, les touaregs chantent et rient, le grain de sable murmure dans l’air chaud.
Paix retrouvée, mots suspendus, soif de mots essentiels.
Merci pour ce voyage, en soi et hors de soi, dans l’écriture et dans l’espace primitif de la lumière et de la pierre.
Tu as fait jaillir les sources et fleurir le désert.
MF.R
TASSILI, OH TASSILI
DCB, 20-28/2/10
Présence a dit Jean-Louis. Personne a moufté. Moi non plus. J’ai pas osé. Avec Voyage et Joie ça faisait trois mots d’ordre. Présence de
DB
PREMIER JOUR
Je me voyais vivant, je me retrouve vieux.
DB
Et il déchira la feuille...
Seul à son bureau, il se demandait pour quoi diable il avait déchiré cette foutue feuille. L’art du pliage était mort avec le grand-père et ce n’était vraiment pas sa préoccupation du moment.
C’était le troisième ou le quatrième jour, dure journée. Tempête sous un crâne… Il avait éprouvé le besoin de rester en arrière, avait adopté son pas de sénateur qu’il savait le mener loin et longtemps.
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Tassili-fév 2010grand bleu |
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