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Mt-St-Michel avril

La Baie 2011

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Cache-cache



Le sol craquelé nous cache ses entrailles,

le lichen jaunit la substance des pierres, 

égaye la noirceur de ces éperons rocheux,

sentinelles aiguisées de notre vaisseau mère. 

 

La terre nous cache la terre, moitie impénétrable de nos univers.

 

Comme ces volets bleus nous cachent des nuits d'amour,

ce verre sablé aux fenêtres, une femme sous la douche,

ce gazon trop parfait, un père perfectionniste

et ces haies de troènes, bien des drames familiaux.

 

La vase nous cache le fond,

comme les nuages le ciel et son bleu les étoiles.

La bruine constelle nos yeux

qui floute à l'horizon tous ces lambeaux de brume

qui embrument la baie et dissimulent l'archange.

 

Comme l'arbre la forêt, comme le train l'autre train,

sa veste cache la chemise et sa chemise la peau,

dans sa peau le corps et dans son corps le cœur,

au cœur du son cœur l'âme et dans son âme l'ennui.

 

Sous l'apparence, l'apparence.

car paraître n'est pas être.

Naitre n'est pas un destin,

et connaitre n'est pas savoir.

 

J'éteins le monde, je ferme les paupières,

mais toujours le froid du vent, son clapotis humide.

Je bouche mes oreilles, j’entends battre mon cœur. 

Alors j'éteins mon cœur et je ne sens plus rien,

rien que du ressentiment. 

E.A

                                
 
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Longtemps
 

 Longtemps je me suis levé de bonheur, peut-être même à la bonne, qui sait, du temps de mon ex, curieux vocable que celui-ci, ex, ex aequo oui nous le fûmes un temps, avant le statut… ex nihilo…. Statut de marbre figé, je cri dur comme je respire, comme je mens, pire, je jette ma bouteille à l’amour, après l’avoir bu, amer, et l’on me promet sirène, alors que je n’en souhaite qu’une... Alors le bonheur ne se rencontre-t-il qu’à deux ? Faut-il attendre la bonne heure et si certains se figent, d’autres, des bons… errent. Es-tu cet hère qui navigue et chaloupe, es-tu comme ce chat qui loupe, une fois n’a pas de coût tu me dois bien ça…je retombe sur mes pattes aux vœux lourds de sens cri, dur comme la pierre, dur comme le temps, comme cette vie qui s’achève aussitôt remplacée par une autre alors je reste au chaud, coi, las et je dis merci Môme de m’avoir fait ça…. Comme ça, et je cri que la peste soit de ta famille et j’aimerais être en Vérone, cher Bill, ton âme, retournée comme dans un shaker, expire. Je regarde au loin les rochers, quel est ce sens du ciel ? Je le laisse en ceci elle saura par essence si elle souhaite, ou non, être en devenir ou pas… là est–elle  la question ? Je vais au lit tôt et je râle, en regardant les liteaux accrochés aux chevrons sur le plafond, et je râle, je regarde la litto de Tanigushi et je râle de nous vaut mieux en rire quand pleur est. Alors je ferme les yeux et je me mens, à nouveau je les ouvre, pose mon pied sur le sol illicite, tel un soliste je cite ma source là, fort stress, je reprends, regarde un raie de lumière à travers la fenêtre, enfin je prends ma scie et me met sur le dos pour entamer un morceau en Fa, j’ai mis tout mon cœur dedans mais comment taire, si en songe je mens, je me mens, j’ai aimé manquer à tous les deux, voir plus même. Notre intime mité par le manque de temps, ta manie pu la façon de faire à ta guise sans tenir compte que tu étais mon élue de cul, abrasion de la vie sur les sentiments et tandis que je reste comme un con devant un temple de la chrétienté, qu’en est-il de nos rêves en partances…. Bien partis oui, loin de nous à la vitesse d’un cheval au galop, loin les pokes… quand nous cueillions du gui, tard le soir dans les forêts à côté de la maison, ou lors de nos virées à la mer, quand tu sais la lune, nous apportait sa lumière sur la dune, dans cette période où, sans une thune, nous aurions pu décrocher la terre, par plaisir, juste comme ça par en vie. L’odeur du sel, une envie de tout prendre… Mais le temps n’est plus aux regrets, même si ça me navre de ne plus te prendre par les hanches, je rejette les histoires d’Ô, séant, et me tourne vers celle à venir, et si actuellement tout reste triste, je rencontre de belles personnes, je leur offre mon cœur mais aucune n’en veut alors je reste là, attentif et amoureux des bons maux…

Christophe R
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La mer

Et si nous parlions de la mer, si loin de nous le matin dans la baie, si proche le soir que nous finirions presque par ne plus la voir, trop banale, lieu commun des poètes, si présente pourtant.

 

Je voudrais dériver, bateau ivre affolé, dans le Poème de la mer, infusé d'astres et lactescent, dévorant les azurs verts, me laisser rouler, bercer, emporter, ballotter, malmener, ronger par les flots amers. Dans ces tohu-bohu incessants, ces maelströms en furie, larguer les amarres, oublier le phare, si droit au bout de la jetée, et que la phrase s'enfle et se déroule, déferle et tourbillonne, attirant dans les gouffres creusés des mots inexplorés, étouffés dans les algues.

 

La mer, la mer, toujours recommencée n'est rien d'autre pourtant que le va-et-vient du temps, dans l'éternité de la terre, le battement du cœur où résonne un écho d'enfance : odeur de peau salée où se collent les paillettes d'or du sable, éphémères châteaux aux tours effondrées, fragiles ponts levis que la vague submerge sous le regard effaré, grands oiseaux de papier qui voguent sur la houle.

 

Les clapotements furieux des marées emportent l'enfant loin des pontons : échouage brutal, ancre rompue, quille éclatée. Il cherche sur la plage ces traces effacées que ne rendent jamais les vagues en allées.

 

Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage, dit aussi le poète. La marée déshabille la grève désolée, jonchée des débris qui la vêtent, puis recouvre pudiquement sa fange. Voiler, dévoiler, partir, revenir, mourir un peu, renaître près de l'écume et de ses franges.

 

L'écrivain cherche dans les marines d'Elstir le monde d'avant le temps, le lieu de toutes les naissances. Sur la toile du peintre, la beauté d'Aphrodite, née de la vague et de la semence de Zeus, lovée dans un coquillage, scelle l'union sacrée du ciel et de la mer.

 

Et Dieu sépara les cieux d'en dessus des cieux d'en dessous. Et il y eut le ciel, et il y eut la mer. Et Dieu vit que cela était bon. Le peintre lance un défi à l'ordre divin. Il peint les reflets de l'astre sur l'eau, l'écho des formes et des couleurs entre le nuage et l'écume. Les flaques lumineuses des tableaux de Monet, les gouttes étoilées de Seurat, les fenêtres grandes ouvertes  de Matisse qui peint à l'horizon du regard la fusion du ciel et de la mer, tous recréent pour l'éternité l'harmonie des origines.

 

La mer, la mer toujours recommencée, c'est une histoire de bleu toujours renouvelée. Bleu de l'azur et des flots, bleus de l'âme exilée du pays d'enfance, bleus du cœur déchiré des départs sans retour, bleus du corps naufragé dans l'océan du temps.

 

Le poème parfois vous prend comme une mer et vous jette, étonné, sur des rives mythiques : longues grèves accueillantes aux corps des naufragés, rives de sable blanc du pays d'Alkinoos, palétuviers qui bordent les îles de Baudelaire, peuplées d'odeurs et colorées, toutes vibrantes encore du chant des mariniers.

Marie-Françoise
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BRUME

Il m'a semblé, que depuis tout ce temps que je t'observe étendu de tout ton long sur cette langue de sable, offert à la chaleur impitoyable de l'astre diurne, il m'a semblé que enfoui au plus profond de ton esprit surchauffé, ton esprit que tu voulais reposé, apaisé, mais qui, au beau milieu de cette fournaise solaire, voit tes neurones s'agiter en tout sens, comme l'eau portée à ébullition s'affole sur le bord de la casserole, il m'a semblé donc, et pour faire bref, que secrètement, un peu honteux quand même, tu as souhaité ma venue. Tu soulèves légèrement une paupière, puis l'autre, pour être bien sûr, tu fixes tes yeux encore chauds de lumière sur cette dune, là-bas, et je sens que tu apprécies déjà le léger voile, lambeaux de tissus léger que j'enroule, tentaculaire, autour du disque jaune. Tu imagine déjà, alors que je suis encore loin, la fraîcheur surnaturelle que je répandrai autour de toi lorsque j'arriverai à ta hauteur. Tu t'assieds maintenant, tu veux être tout à fait éveillé pour goûter pleinement ma venue, tu as raison, je ne vais pas te décevoir.

Tu sentiras d'abord une première langue de frais sur tes pieds, pas trop humide, juste un petit souffle posé doucement sur ta peau, je me ferai délicate, il ne s'agirait pas que tu t'inquiète, je prendrai soin de me montrer avant de t'envelopper, tu me verras passer au dessus de toi, et ton ciel jusqu'alors statique, s'animera de ma cavalcade gigantesque, volutes aspirées dans l'infini bleu qui viendront inexorablement peindre ce ciel uniforme de mouvements cotonneux et opaques, tu souriras, émerveillé de cette poursuite céleste, filaments qui jouent à se poursuivre, tu tendras ton bras pour tenter de me toucher, comme font les enfants, ton bras encore tiède de la chaleur de ce soleil que je te soustrait doucement, et alors que tu auras le regard planté dans mes fantaisies lascives, au dessus de toi, je dévalerai sur la plage, comblant les derniers interstices de clarté, chargée de toute l'humidité du vaste océan, je transformerai tes compagnons en silhouettes blafardes, mêlant ma substance à la leur, je les rendrai translucides presque invisibles, oui, tu m'as senti, je suis là, tu te relèves un peu brusquement, je trouve, tu te recouvres de ce morceau de laine, un peu hâtivement, je trouve, comme si tu regrettais que je sois venue, trop tard de toutes façons, faudrait savoir ce que tu veux, tu avais trop chaud, maintenant tu vas avoir froid. 
Yannick D
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Marche de l'avant

La marche est lente qui suit le sentier étroit à fleur de prés et de marais. Elle est chaotique, heurtée des pas profonds et gluants, déjà à demi-asséchés de ceux qui, la veille, et l’avant-veille encore, par là sont passés. Vos pas se glissent dans les creux, vacillent à la lisière, votre tête oscille entre les arbres printaniers et la fumée âcre des herbes sèches mises à brûler, là, par ceux, qui, avares de paroles, pourtant, arrêtent leurs mouvements croisant votre regard passager. Mots suspendus que ceux que vous échangez, mots qui se mêlent derrière vous au bruissement des ormes et des pêchers. Ici où la foule s’est étiolée, vous entendez battre les sabots des chevaux à la robe brune, vous entendez résonner les bêlements des moutons au manteau épais, vous entendez tinter le chant des heures précieuses où la vie se fait rare. Votre passage arrête le temps, de vous, curieux. Les moteurs de machines volantes traversent vos pensées fragiles comme cette hélice lancée de main d’homme et que rien ne semble plus devoir arrêter. Vous marchez et le marais s’éteint, soudain, au bord de cette mer qui peine à se montrer, qui, lente comme votre marche, remonte la baie, faisant claquer, parfois, l’eau contre le sable effondré. Arrivée au bout de cette langue de terre, vous montez sur l’échine déchirée d’un dragon, voir sa gueule éteinte d’un feu ancien se jeter à jamais dans les sables gorgés d’eau et de sel mêlés, sables que vos paroles d’hommes appellent mouvants. C’est là, pensez-vous, que vous vous perdrez. Et, perchés sur ces roches ultimes, vos yeux se dressent vers l’horizon, là, où, hier encore, le soleil déclinant vous laissait dessiner une ligne d’arbres éphémères, plantant ses douces tentacules de lumière dans la silhouette gravée d’un mont majestueux, surgi, pensez-vous, de votre imaginaire. Vestige de civilisation, semé au cœur de ces sables de perdition, laissant naître, au faîte de ses murailles serpentantes, une flèche dont peut-être vous pensez que son destin est d’attirer à elle les foudres des cieux. Aujourd’hui vos yeux se perdent dans la brume épaisse et lointaine. A peine devinez-vous les ombres grises dans ce que vous continuez de croire être l’horizon. Sur un banc de sable, près de vous, votre regard se pose sur une aigrette blanche, corps délicat aux pattes fines, mince reflet dans les grains humides encore baignés de la lumière filtrée. Et l’oiseau noir, sans nom, traverse, de par en par, le tableau de votre regard, faisant claquer, dans le battement de vos cils, le battement de ses ailes, poussant un cri aigu qui, vous le savez, au-delà de vous, vous appelle. Sur le bord de l’ombre des vestiges, une silhouette d’homme avance lentement, silhouette noire courbée sous une lourde cape, croisant le vol de l’oiseau dont le nom vous échappe, là, à l’instant, nom perdu dans l’oubli. L’homme marche, sans jamais que sa tête ne se dresse, sans jamais que ses yeux ne quittent ses pas. Déjà, vous le pressentez, vous pensez à moi, sans pourtant qu’aucune de vos pensées ne me dévoile. Au cœur des ombres blanches, se cachent les voix. Elles chuchotent, chantent, dansent, se moquent légèrement. Dans le froissement infime de leurs voiles, elles se dispersent aux vents. Tant de fois, si près de leur appel, vous êtes passée, tant de fois, vous les avez laissé s’éloigner. Voix insaisissables, de banc de sable en banc de sable, elles courent la baie et font son gémissement. C’est là, peut-être, maintenant, que vous entendez le souffle puissant de mon chant lointain. Votre regard se perd dans vos pas alourdis, de plus en plus mêlés au sol de glaise. Sous vos yeux filent les paysages de plaines lointaines. Entre les brins d’herbe aux allures de rizière, se tissent des filaments gris et jaunes qui craquent sous vos pas. A vos pieds, la vase grise prend la forme d’un visage, un visage oblong, au nez fin, aux pommettes saillantes, aux yeux bridés d’une histoire ancienne. Un visage creusé de glaise, un visage creusé de l’argile de vos doigts. Œil désincarné, voilà ce que vous voudriez penser. Et vous me voyez. Je marche, corps enseveli, longtemps j’ai continué de marcher, sous les voiles de brume, dans les yeux du renard, je marche, silhouette allongée, sous la lune croissante, tête engloutie, je marche. De l’archipel de l’oubli, aux confins du Kamtchatka, je me suis levé, traversant les grandes herbes jaunes des steppes, battant au vent comme frappent mes pas. Ensemble nous avons marché dans cette peur fragile de ne jamais exister. Dans cette baie où courent les voiles brumeux, nos corps sortis de la glaise, nos pas effondrés dans le bruissement de la croûte asséchée qui effeuille la terre. Ersatz d’homme, épouvantails de paille dont les souvenirs s’accrochent aux barbelés, nous flottons entre deux mondes, sans jamais ne devoir en choisir un seul. Nos pas extirpés d’une boue grasse aux lèvres gonflées, aux larmes débordantes traversent la baie. Vous, maintenant, par qui je vis, dites-moi, qu’ensemble, nous marcherons contre cette peur frémissante, de demeurer, à jamais, page blanche.

Sandrine B
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Attendre


Attendre. Que le soleil se dégage de sa gangue de nuages.

Attendre. Que le Mont soit plus que cette brume grise, cette idée de mont, que l’on n’est pas sûr de voir.

Attendre. Que la mer monte, qu’elle recouvre les sables, qu’elle unisse les chenaux, les filets d’eau vaguement erratiques.

Attendre. Que la lumière gagne en profondeur, en contraste, qu’elle cesse de n’être que cet agrégat de pâles blancs et noirs.

Attendre. Que le vent calme ses tourbillons humides pour n’être plus que mouvement aérien qui vous frôle entre là-bas et plus loin encore.

Attendre. Que le froid se lasse avant toi et qu’il replie ses bises glacées, ses écharpes râpeuses, ses doigts fouailleurs qui t’enserrent.

Att…

 

Mais tu te moques, là !

 

De quoi parles-tu ? De ce que peut-être demain sera ? Aurais-tu l’éternité devant toi ?

 

Se peut-il que tu n’aies pas perçu le ballet des hommes et de la brume, leur surgissement de nulle part et leur disparition comme un effacement, tache foncée de plus en plus pâle, brouillée, indistincte, puis plus rien.

 

Se peut-il que tu n’aies pas vu les pâles feuilles vertes au cœur rose des ormes de la baie ? Chaque branche porte des centaines de ces petits bouquets vert et rose, feuilles serrées en un agencement précis et mystérieux, qui dessinent autour de chaque rameau comme un plumetis plein de douceur qui réveille en passant, presque sans y penser, semblable à un murmure libéré par l’ondulation des grappes qui ne semblent en rien liées à la matière ligneuse du bois mais juste tenues par la nécessité, l’idée même de tendresse, de cet élan qui avec infiniment de retenue effleure la joue d’un enfant sans pour cela le faire interrompre son jeu mais dont il gardera une trace bien au-delà de sa peau, au-delà de sa mémoire, au-delà du temps, et qui l’arrêtera le long d’un sentier, malgré le froid, la bruine, au hasard d’une de ces marches sans but, qui l’arrêtera aussi sûrement que s’il était au bord d’un gouffre quand l’imperceptible oscillation verte et rose se posera à l’endroit précis de la trace endormie.

D.A
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Le Mont     cette Merveille
A vue d’œil, et lorsqu’on met le pied hors du gite, peut-on dire s’il est près ou loin ? Prêt à être approché, ou bien comme un peu narquois ? Narquois non pas vis-à-vis de ces anglais à l’approche comme naguère il y a cent ans, mais pourrait-on dire face à ce groupe d’ « en-glaise », glissant sur une douce vase, se mouvant sur le sable, puis que l’on voit jeter un œil sur la profondeur du fleuve, un œil c’est-à-dire un pied, lequel sonde pas à pas le bras d’eau, avec doigté, ausculte ce sol dur qui se transforme en baie molle sous l’orteil, et dont l’humeur s’effondre dès que l’on s’avise d’y faire le pied de grue, au risque de devoir, en effet, faire appel à une grue pour vous sortir de là.

Claude R
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Présent

Que dire, que vous dire, à présent, à vous qui avez déjà tant lu, parlé, écouté et tant écrit. Un mot, deux mots, trois mots ? Deux mots : dire présent. Présent, présente, présence. Et aussitôt dits se présentent leurs contraires, absent, absente, absence.

Le présent n’a pas de contraire.

En mathématiques, le temps, c’est tout droit. Une droite entre moins l’infini et plus l’infini, entre infiniment moins et infiniment plus. Et le présent c’est zéro, juste au milieu entre infiniment moins et infiniment plus. Sauf qu’en y regardant de très près, entre le point zéro et celui qui est juste après, il y a aussi l’infini, le présent aussi alors est infiniment grand.

La présence entêtante d’un amour mort contrarie le présent. Elle est pourtant absence.

Le présent n’a pas de contraire, il a des contrariétés.

Le présent ne peut s’écrire qu’au moment de l’écrire, au moment M.

Les fesses dans le sable, les pieds bien calés devant moi la mer monte. Le moment M est fraîcheur, celle du sable que je sens au travers de l’étoffe mince de mon pantalon, celle du vent qui me caresse la joue droite, il est aussi chaleur, celle du vent qui me caresse la joue gauche, et l’inconfort dans ce tout petit carnet où les phrases, limitées par la spirale ne peuvent se déployer tout le long de la plage, une phrase comme la plage à marée basse, qui dirait les mots, les seuls mots du présent, en compagnie de vous dix, autour, des galets, des coquillages, des goélands, tout est là, ici, la mer monte au présent, ce présent où je mets ma casquette et qu’elle réchauffe en douceur mes cheveux que le vent a fraîchis, infiniment. J’ai dit infiniment présent, infiniment grand, infiniment bon, j’ai dit présence, qu’ai-je dit si ce n’est la fraîcheur du sable sous mes fesses ou du vent sur ma joue, à ce moment M, celui où devant moi la mer monte et où j’entends son chant.

Micheline F
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Saint-Michel

J’écoute.

Filaments de brume.

Entre terre et ciel, entre-deux de gris, eau qui ruisselle, se soulève, vague, tourbillon, pierre posée, chant sur la ligne d’horizon.

S’écoule le temps de l’eau, s’écoule le temps de la lune et celui de la terre.

Je ferme les yeux, mon cœur bat du rythme du passage entendu.

Il s’arrête, repart, s’arrête, repart une fois encore.

Mystère, incertitude…  alors

j’ai vu l’eau écarlate  jaillir des blessures du dragon. Epée levée vers le ciel, jeunesse, force et certitude. Pied posé sur la bête.

 Et j’ai vu dans le coton ouaté plissé de la Baie le vieil Archange terrassé à son tour dans l’ultime seconde du temps qu’Il lui a accordé. Saint-Michel  est tombé, son épée gît sur le sol. Il n’est pas repartit. Il est mort. Joues mouillées. Tombe fleurie.

Plume blanche en suspend, vie figée.

Frémissent les boutons d’or, têtes levées, au bord du chemin de randonnée.

Vacillent les plumeaux desséchés, sentinelles désuètes luttant contre le souvenir des attaques répétées.

Iris bleu semble perdu. Cherche la barrière du jardin où coller son dos et faire ses conciliabules.

Têtes blanches des pissenlits étourdis, anéantis, ravagés, soufflés sans état d’âme par la faucheuse qui passe… Mais cette fin volatile n’est-elle pas le possible d’un nouveau pied posé ?

Le voile se déchire, avec lui le glacé du miroir de la mort.

Le temps de l’eau qui ruisselle s’écoule vers l’océan rythmé  par le temps de la lune. Le chant sur l’horizon s’est fait sourdine…. 
pour un temps que je ne peux compter.  
 
simOnne.e

 


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