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Lot juillet

  Les textes de Marc                

           Le petit guetteur

 
« Toi, tu restes là et tu fais le guet. »
La chaleur était écrasante, bourdonnant dans le grave et dans le rouge. Ils se
jetèrent à l’eau dans de grandes éclaboussures, avec des cris et des rires.
Tous.
Sauf lui.
Caché derrière un fourré il devait surveiller le chemin de terre qu’ils avaient
emprunté et qui menait à l’étang interdit. Ils lui avaient dit « Viens » et il avait suivi,
heureux qu’on l’emmenât enfin, ému qu’on l’ait choisi. Ils avaient pris le sentier vers les
bois en se cachant des regards tant qu’on pouvait encore les voir de la bâtisse. Ils avaient
avancés, pliés en deux dans les hautes herbes du pré comme des indiens sioux en
campagne, sans faire de bruit, et ils avaient ri entre eux d’une excitation secrète. Lui
aussi avait voulu crier un grand éclat de rire mais ils l’avaient aussitôt rabroué en jetant
des regards inquiets par-dessus leurs épaules vers le cube de béton gris ramassé sur luimême
là-bas au bout du champ. « Tais-toi ! » Il s’était alors tu, confus de son
inconscience. Promis, à partir de maintenant il serait un sioux rusé et valeureux.'
Son cœur avait tressauté quand il avait compris qu’ils allaient à l’étang. Ils en
avaient parlé entre eux tout au long de la marche ; quelle fraicheur ce sera quand ils
seront dans l’eau ! De temps en temps ils se retournaient et lui faisaient de grands gestes
pour qu’il accélère, mais ses petites jambes devaient faire deux pas quand ils n’en
faisaient qu’un. Plus vite ! la liberté n’a qu’un temps !
Arrivés à l’étang, c’est là qu’ils lui avaient dit « Toi, tu restes là et tu fais le guet » et
ils avaient sauté, nus comme une paume, dans l’eau glacée. Ses vêtements à lui collaient
à sa peau. Sa course vers l’étang dans les sous-bois alourdis de l’orage de la veille avait
été étouffante. Il gardait maintenant l’œil rivé au débouché du chemin de terre, sérieux
comme un éclaireur indien assurant la sécurité de la tribu. S’ils étaient découverts ils
seraient punis en chambre pour au moins deux journées. Derrière lui, il entendait la voix
fraiche de l’eau retombant en pluie qu’ils s’envoyaient par grandes giclées, leurs cris
aigus aussi frais que l’ombre qui coupait l’étang en deux, il écoutait les splashes de leurs
corps sautant dans l’eau genoux au menton.
La sueur coulait sur ses yeux qu’il devait essuyer pour les garder ouverts malgré le
sel qui les brûlait. Quand il se retournait pour les regarder avec un grand sourire
complice il s’en trouvait toujours un pour le remarquer et le renvoyer à sa mission d’un
« Fais le guet ! ».
Le soleil glissa, se posa sur sa nuque et finit par l’étourdir. Il s’endormit.
A leur retour, ils s’aperçurent qu’ils l’avaient oublié. On alla le chercher. Parvenus à
l’étang on trouva ses vêtements pliés bien sagement au bord de l’eau.
 
MARC.B  
 
 
 

            Les petits mots

 
— Ah, te voilà réveillée !
— Tu m’attendais ?
— Non, non.
— Alors pourquoi ce « Ah, te voilà réveillée ! » ?
— Parce que tu dormais et que te voilà réveillée.
— Bien sûr, mais à qui s’adressait cette remarque ? Parce que, moi, je le sais bien que je
suis réveillée. Et il n’y a personne d’autre que nous deux ici. C’est donc une remarque
que tu te fais à toi-même. Mais pourquoi l’avoir faite à voix haute ?
— Si cette exclamation te gêne, prétends ne pas l’avoir entendue.
— Mais comment le pourrais-je quand tu sembles m’en faire reproche ?
— Je ne te reproche pas de t’être réveillée, je le constate, c’est bien différent.
— Oui mais tu n’as pas dit « Ah, te voilà réveillée ! » avec joie, bonheur, jubilation comme
quelqu’un qui attend impatiemment que sa compagne se réveille, mais comme un
reproche semblant dire « hé bien, ma vieille, c’est pas trop tôt ! ».
— Si c’était « hé bien, ma vieille, qu’est-ce que tu roupilles, c’est pas trop tôt ! » que
j’avais voulu dire, c’est « hé bien, ma vieille, qu’est-ce que tu roupilles, c’est pas trop
tôt ! » que j’aurais dit !
— Mais c’est bien cela que tu as dit, tout cela que tu as dit, dans ton « Ah, te voilà réveillée ! ».
— Bon, laissons cela, veux-tu ? Tu es réveillée – et bien réveillée à ce que je vois – nous
n’allons pas recommencer à 8 heures du matin pendant nos vacances.
— Hé, ho, ça n’est pas moi mais toi qui as recommencé dès le réveil par cette première
parole, agressive, avec laquelle tu m’as accueillie dès le saut du lit.
— Eh bien, ça va, tu as dormi, tu t’es réveillée, te voilà debout, bonjour, j’ai fait du café, je
crois qu’il en reste un peu, sers-toi et…
— … et ferme-la ? C’est cela que tu veux dire ?
— Mais non ! Ecoute, n’inverse pas les torts, veux-tu ?
— De quels torts parles-tu donc ?
— Tu le sais très bien, allons, ne joue pas à l’idiote.
— Me voilà idiote maintenant ! Merci !
— Voilà ! Voilà ! C’est tout toi ça ! Cet art de la rhétorique qui te lave de toute faute et qui
me fait endosser le costume du salaud.
— Mais je n’ai rien dit de tout cela. J’essaie de comprendre ce que tu me reproches, tout simplement.
— …
— …
— Avec qui étais-tu cette nuit ?
— De quoi me parles-tu ? Je me suis mise au lit avant toi et je ne me suis pas relevée de
toute la nuit, ne serait-ce que pour aller aux toilettes ! Ne crois-tu pas que c’est plutôt
toi qui passes ton temps à « surfer sur le net » ? Et tu remarqueras que je ne contrôle
pas les sites que tu honores de ton attentive assiduité.
— Oui, ben, y’a plein de choses intéressantes sur le net, figure-toi, je me cultive, moi,
j’apprends plein de trucs passionnants.
— Comme quoi par exemple ? Juste un exemple, s’il te plait.
— Je ne vais pas commencer à te faire une liste.
— Mais UN exemple, donne-moi seulement UN exemple.
— Assez ! Stop !
— Ah non ! Tu en as trop dit et pas assez. Tu as dit « n’inverse pas les torts ». De quels torts parlais-tu ?
— …
— …
— Alain.
— Quoi, « Alain », qui est-ce, Alain ?
— Ça n’est pas possible ! Tu oses me poser la question ! C’est plutôt à moi de te la poser !
Qui est cet Alain ?
— Mais je ne connais pas d’Alain. En tous cas, pas depuis la maternelle.
— Tu te moques ? Quel cynisme !
— Mais enfin, tu as perdu la tête ?
— Moi, perdu la tête ? Et qui donc cette nuit s’est collée à moi quand je me suis couché
en susurrant « Alain » avec un soupir interdit aux moins de 18 ans ?
— Mais tu n’y es pas, voyons.
— Tu oses prétendre ne pas avoir dit « Alain » dans ton sommeil ? A d’autres, je ne suis
pas fou, ne me prends pas pour un imbécile, veux-tu ? Le vase est plus que plein !
— Ecoute. Ta jalousie, je n’en peux plus ! Ça n’est pas « Alain » que j’ai dit quand
Môssieur a enfin daigné me rejoindre au lit.
— Ah oui ! Et c’était quoi ?
— « Câlins. »
 
 
MARC.B
 
 
 

 Les textes de Laure

                  Dimanche

 Sous le petit kiosque de la place de la Raison à Figeac : un moment agréable à
déguster une infusion de verveine glacée.
Cet endroit, investi plus souvent par les zonards ou les pèlerins prenait un air de raffinement extrême.
En compagnie des amies , par le choix du contenant débutait le plaisir : chaque potier ayant confié une pièce.
Ma main attirée par ce petit bol brun, si fin, à la ligne si pure et vivant en même temps.
Le choix de la terre soigneusement recueillie, préparée minutieusement; cette éthique présente dans l’objet,
la cuisson au bois, magique pour seul décor.
Je voyais les flammes l’entourer dans le four, la nuit de veille à alimenter le feu, à plusieurs, les moments festifs.
Tout le temps nécessaire pour atteindre la perfection de ce petit objet.
Je voyais les doigts tournant régulièrement la terre humide, le séchage, le retour au modelage à la consistance exacte
pour parvenir à cette finesse. Et le résultat final : cette solidité, cette matière brute et cette élégance.
La transparence de l’infusion où flottait quelques feuilles comme ultime plaisir : la contemplation !
La sensation de mes doigts sur la terre sèche et douce à la fois.
Je repartais dans la vallée de Chevreuse de mon adolescence avec la construction d’un four dans un terrain en pente.
Toute une expédition pour récupérer des briques réfractaires dans une ancienne briqueterie abandonnée.
Ces endroits sauvages de mon enfance, les terrains vagues où je jouais avec les petits voisins de la rue dans cette banlieue calme.
C’était surtout les cailloux que nous récoltions pour délimiter des pièces et y inventer nos histoires.
C’était avant d’habiter en ville et perdre le contact avec la terre.
C’était au temps de parcourir les petits chemins avec ma grand-mère, de promener Frady la chienne, épagneul golden.
Le temps des galipettes et des moustaches en herbes. Quelle beauté essentielle dans ce petit bol !
Je suis retournée l’acheter : celui du bar que la potière remplacerait par un autre.
Jeune femme au sourire délicieux et dans une démarche si pure.
J’oscille constamment entre cette esthétique et des objets plus chargés, descriptifs comme des tableaux de Chagal.
L’opéra et son plafond , le petit balcon avec les filles.
Sasha portait un petit ensemble, une jupe avec des collants bien trop légers pour la saison, en l’honneur de l’évènement.
Elle avait marché dans cette tenue dans le vent glacial des bords de Seine de la Tour Eiffel à l’Opéra sans sourciller.
Un mental de championne cette petite danseuse. Elles aiment bien la tisane ces petites mignonnes !
Souvent dégustée dans de jolies poteries, héritées de mes achats compulsifs de bols.
Oui, j’accumule les contenants, je ne m’en lasse pas. C’est sûrement chargé de sens !
J’en casse aussi avec un léger sentiment agréable : je fais de la place.
Il y a cette rondeur de la forme que j’ai du mal à quitter et ce petit bol à la couleur brune juste léché par la flamme
est de la couleur exacte de mon déca au lait d’avoine : une harmonie parfaite.
Je pense au bol lilas bien ouvert dans lequel la blancheur du riz est /somptueuse.
Il vient de St Sulpice sur Célé et chaque pièce m’emmène sur un lieu, une rencontre.
Ce petit bol c’est le kiosque et le sourire de Perrine, sa démarche créatrice, identique à celle qui tond le mouton,
lave la laine, la carde, la file, la teint avant de tricoter son ouvrage.
La notion du temps et du soin apporté à l’objet final, rassurant dans ce monde TGV de réactivité.
 
LAURE PARIS
 
 

                  Le peuple des petits rectangles

 
C’est lui qui avait le premier entendu le bruit soyeux sur le sol, senti la
poussière s’élever.
Aux aguets, dans son recoin noir, il avait alerté les copains: « des
envahisseurs ! »
Ils vivaient tranquilles, la nuit, dans cette maison abandonnée.
Peuple de petits rectangles noirs, fluides qui se glissent sous les plinthes,
légers et vifs.
L’espace était à eux, et là, tout à coup, ça bougeait !
Ils enlevaient même la poussière dont ils se nourrissaient.
Il fallait les en empêcher, les décourager, leur faire peur pour qu’ils décanillent.
A travers son abri sombre, dans les fentes du plafond, il observait mal avec ses
yeux de noctambule, de vagues ombres bruyantes s’agiter, des silhouettes plus
ou moins grandes.
Petits êtres des ténèbres confrontés à des géants dans la lumière.
Comment lutter contre cet évênement ?
Pourraient-ils les empêcher de s’installer ? Recourir à la terreur ?
Attendre la nuit pour agir.
A plusieurs, ils peuvent déménager des montagnes.
RV sous le grand arbre pour décider d’un plan d’attaque.
Pourquoi ne pas récupérer la poussière et la re disperser partout !
Quelques nuits les lasseront .
Bien planqués, cela sera amusant d’observer leurs réactions.
Petits êtres malicieux, pas méchants, se glissant dans les interstices de tous
les chemins conquis à travers les fissures de la maison, le long des couloirs
jusqu’aux placards, les tiroirs.
Invisibles et ne sortant que la nuit, bien groupés en colonnes , dans le silence le plus total.
Juste quelques frottements imperceptibles !
Pour l’instant les agissements des géants n’avaient pas de sens
Ils n’en dormaient plus la journée, à les regarder !
Les plus grandes silhouettes avaient disparu, après avoir remué les meubles.
Un grand danger les guettait : une odeur horrible avait envahi les pièces
Comment lutter ?
Nouveau conciliabule au pied du grand chêne qui occupait un rôle essentiel
dans leur fonctionnement : reliés par les racines, leurs pensées devenaient plus claires.
Devaient-ils quitter les lieux?
S’enfuir vite.
Pourtant la maison s’était remplie d’objets amusants avec lesquels ils aimaient
jouer la nuit; les déplaçant deci-delà.
C’était les objets des petits géants.
Une nuit , l’un d’eux se fit surprendre au volant d’une voiture jaune mais 
disparut assez vite sous le tapis.
La maison vivait une double vie, nettoyée le jour, salie la nuit.
Rangée le soir, en bazar le matin.
Intrigant !
La lutte s’intensifiait : après les produits , vinrent les pièges, les collants.
Toute une énergie pour libérer les amis jusqu’au jour, ou plutôt une nuit où l’un
d’eux fut pris dans une grande main : celle du plus petit qui l’avait aperçu dans
la voiture jaune.
Il l’a enfouis sous son oreiller pour compagnon de rêve : moelleuse révélation !
Une cohabitation en vue ?
Il restait à se cacher la journée loin de la poussière et des rangements.
Survivraient-ils à la coupe de leur arbre pour éclairer la demeure ?
 
LAURE PARIS
 
 
 

             40mns de petites formes

 
Haïku
Mouchoir oublié
essentiel pour l’enrhumée
comme une loque affalée
 
Petit mot laissé sur la table :
Angélique, toi, l’enrhumée,
j’ai retrouvé ton mouchoir oublié.
Pourrais-tu à l’avenir déposer tes kleenex souillés à la poubelle !
 
Slogan
Prenons soin de la planète !
Utilisons des mouchoirs perpétuels !
 
L’oraison funèbre
Adieu Arsène.
Toi et tes grands mouchoirs en tissus, plein les poches.
 
Au printemps comme en hiver,
elle avait toujours dans son sac,
un petit paquet de mouchoirs en papier,
remplacé en été par un éventail.
 
Définition
Mouchoir : nom commun, masculin.
Sert à recueillir l’écoulement nasal , en cas de rhume, d’allergie.
En tissus ou en papier.
 
la bribe
Elle laissa ostensiblement tomber un bout de tissus finement brodé à ses
initiales,
et imbibé de son parfum qu’il ramassa.
 
l’aperçu
Ses petites filles qui l’avaient critiquée sur l’usage du Sopalin
n’apprécièrent pas vraiment son cadeau de mouchoirs perpétuels.
 
oui, je défends l’usage des mouchoirs en tissus tout comme le Sopalin perpétuel,
en cohérence avec les toilettes sèches : des gestes pour la planète !
 
l’esquisse
Je rêvais souvent de mouchoirs volants jusqu’aux champs plus bas,
comme un défilé, un essaim d’abeilles, un vol d’étourneaux.
 
La devise :
Chacun son mouchoir, affrontons les courants d’air !
 
Dédicace :
A toi l’ami, ce livre qui te parlera de la nostalgie de l’enfance sans j’espère te
faire sortir ton mouchoir !
 
liste de courses :
cacahouètes
salopette
allumettes, cerf-volant
mouchoir
essoreuse à salade.
 
LAURE PARIS
 
 
 

             Nervures

 
Les agitations dans le ciel et les stridulations reflétaient l’état de la nature.
Le choc des interférences était en convergence avec le mystère, tandis que
l’enfant , bien vivant, grattait la feuilles de ces traits verts en tous sens, comme un gribouillage.
C’était pour lui une évasion, une recherche orientée par sa main, presque comme des nervures.
LA VIE !
Alors pourquoi ce procès intenté à ses parents ?
A cause des crayons synthétiques utilisés, à leur composition suspecte ?
C’était l’époque !
 
LAURE PARIS
 
 
 

Allo !

-Oui ?
-C’est toi ?
-Oui (et elle vibre encore au timbre de sa belle voix grave, si troublante)
-Je n’attendais plus ton appel.
-C’est trop douloureux pour moi.
-Alors tu me laisses seule.Tu préfère jouer l’absent? Boire ton absinthe ?
-il rit. Ne joue pas cette carte./
Silence
-ça va?
-Oui, je suis devenue une véritable patiente. Et le jardin?
-Ton camélia a rouillé sous la pluie.J’ai tondu l’herbe hier soir, en rentrant.
-J’entends la musique: tu n’es pas dans le pigeonnier ?
Il ne répond pas.
Silence.
-Quand reviendras-tu ?
-Je ne sais pas.
Le malentendu est là : la communication ne pourra reprendre qu’à son retour.
A quoi servent les appels, qui lui manquent tant à elle ?
« Ici et maintenant » : c’est son fonctionnement à lui.
Et cette voix qui suffit à l’apaiser.
Il va raccrocher
-Je t’embrasse
-Oui, c’est ça.
 
LAURE PARIS
 
 
 

                Le jeune stagiaire

 
Le jeune stagiaire est arrivé dans le service; accueilli comme un cheveu sur la soupe au milieu du planning chargé.
« Peux-t-il faire le café, à minima ? »
Pas le temps de lui expliquer, le materner.
Il en met partout : le filtre mal mis, le café déborde. On ne lui demandera peut-être plus d’en faire?
C’était quoi, au fait, son stage ?
Bon, toujours utile pour faire les photocopies.
Il erra de bureaux en bureaux. Erreur! Chacun lui trouva une occupation.
Il y avait du classement à faire dans les archives.
Pour midi aurait-il le temps de faire quelques courses…
Mais on le prend pour qui ?
« Ah, il verrait en quoi consistait une journée de travail de bureau! »
Le broyeur à papier, pouvait-il l’activer, avant de mettre les compte-rendus de réunions à la poubelle?
Pas le temps de lui demander ses objectifs de stage, son âge, d’où il venait…
Mais où avait-il atterri ?
Cécile, la standardiste, en manque, chercha bien à le séduire et lui posa quelques questions, en le collant avec son décolleté bien profond.
Dans les archives, elle lui fit voir de beaux points de vue sur son anatomie, en se hissant sur l’escabeau.
Il en transpirait de gêne, paralysé par la situation déplacée.
Quant aux va et vient entre la machine à café et les différents membres de l’équipe, il n’arrêta pas.
On le croisait chargé de dossiers dans les couloirs, hagard et réalisant qu’on l’exploitait au maximum.
Chacun le réclamait et ce jour là, il n’y eu pas de pause : personne ne se rendit prendre un café dans le coin convivialité.
Il avait une voiture? Pourrait-il raccompagner Cécile chez elle ce soir ?
Et pourquoi pas un co-voiturage des collègues demain matin ?
Peut-il avancer l’argent des courses ?/
Et pourquoi pas !
Pour assister aux entretiens et réunions, cela semblait plus difficile : secret professionnel !
Pour le partenariat on l’orienta vers le secrétariat qui lui donnerait la liste : libre à lui de les contacter,
les rencontrer pour compléter son rapport de stage.
On fit appel à lui pour déplacer des chaises dans une salle de réunion.
Il y apporterait aussi du café et des viennoiseries.
A cette occasion comme au déjeuner, il se retrouva à faire la vaisselle
Cela mériterait une appréciation de jeune serviable dans son évaluation !
Qui était son référent ? il ne trouva pas de volontaire. Peut-être la secrétaire de l’accueil ?
Il passa l’après-midi avec elle, à observer le fonctionnement d’un service dont il ne connaissait rien.
Puis il sortit son portable et commença à jouer pour calmer l’ennui qui le gagnait.
Quel stage!
D’autant plus que Cécile se montrait de plus en plus offensive. Il ne parvenait pas à s’en débarrasser.
Présente à chaque recoin de couloirs, n’hésitant pas à poser ses mains sur lui !
Et personne à qui faire appel, aucune attention à lui, aucune aide.
Le stage virait au cauchemar, une catastrophe !
Il se sentait vulnérable, humilié et démuni, honteux de ne pouvoir réagir à cette situation : contacter ses enseignants par exemple.
En sueur, mal au coeur, mal au ventre, avec pour seul refuge les toilettes.
Il se posait des questions sur son orientation professionnelle sans avoir rien vu du métier auquel il se préparait.
 
LAURE PARIS
 
 
 

Abécédaire

Atelier
17-07-23
Faycelles
5 jours d’écriture et des nuits aussi
Bouillonnement des mots, phrases qui surgissent sur la feuille le stylo qui s’emballe, l’encre qui coule.
Cernés par les moustiques, que rien ne rebute, ni l’odeur de la citronnelle, nicelle du géranium et des huiles essentielles
Cerne comme marque sous la peau, la fatigue autour des yeux
Debout, nous écrivons avec notre petit carnet sorti du sac, le long des sentiers pierreux, herbeux aux tiques dangereux
Ecrire, bien sûr, puisque c’est l’objet de notre rencontre et notre activité solitaire et silencieuse.
Forcer les mots à venir à mon aide sur la page : leur force est avec moi !
Grandir avec tout ce qui surgit des mots que l’on écrit, les souvenirs qui nous traversent et le texte qui s’élabore<;
Hors des murs, hors de soi : un dépassement des limites. Un défi !
Ironie possible.Tout est possible à la lecture désastres textes. Une infinie de directions-des nuances de ressentis.
Jaillissement d’un univers caché, interdit, revisité comme une mise à jour dans l’instant de l’écriture.
Kilomètre de lettres, de mots. Ecrire au kilomètre comme du papier peint décoratif, au premier jet à retravailler.
Lecture de visu, qui revisite les textes.On y croit, on pleure, on dramatise. On trébuche aussi.
Mentir
Est-ce mentir qu’inventer des histoires à dormir debout quand les mots s’en mêlent.
Naviguer entre la proposition et ce qui vient.Partir loin par temps calme ou agité : quand le bateau file ou que le vent manque.
Ouverture S’aventurer vers des zones obscures, inconnues : découvrir des contrées mystèrieuses, dépasser des contraintes, des blocages.
Parler. Quel rapport entre la parole et l’écriture. Les plus bavards seraient-ils plus prolixes ; plus à l’aise avec les mots.
Quelque chose s’exprime à travers les mots posés. Combien de lectures est-il possible de réaliser ?
Sur le sens, sur l’écriture, sur le style, le vocabulaire employé ?
Rires partagés à l’écoute du texte. La puissance des mots qui peuvent provoquer les rires et les pleurs.
Sens
Derrière les phrases : le sens qui sous-tend le texte, pour l’auteur, pour le lecteur.
Le texte appartient-il au lecteur ?
Triste aussi
On peut provoquer de la tristesse : l’écrire ou la provoquer ?
Ustensile comme le stylo qui glisse, accompagne l’écriture de son petit bruit doux. Acharné, courageux, il court sur les lignes du cahier.
Vert comme l’écrin de l’atelier, dans les odeurs de l’origan, le crissement des grillons, le chant des cigales qui nous accompagnent.
Wagon de mots qui s’accrochent les uns aux autres
Xénophobes : je n’en ai pas rencontré dans le groupe.
Yucca : pas de Yucca dans le jardin !
Zone de risque confortable dans le cadre posé avec la piscine en bonus.
 
LAURE PARIS
 
 
 

                 Au début, il n’y avait rien !

 
Quand il s’éveilla, seul dans la cabine, il écarquilla les yeux et s’étira
tranquillement, à écouter les bruits autour de lui, dans le rythme des vagues. Longtemps il resta sagement allongé à s’ennuyer.
Puis dans le bateau qui tangue, la balle a surgit.
Elle suit un certain parcours.
Elle glisse jusqu’à l’enfant qui s’en saisit et la libère.
Elle dessine sur le sol un univers magique : le dos du maquereau que son père a pêché l’autre jour, une baleine
Et la balle est projeté haut dans son souffle d’eau.
Le roulis déséquilibre l’enfant.
Il se retrouve au cirque.
La balle est le nez rouge du clown qui lui fait peur
Les jongleurs s’en emparent.
il ne faut pas la perdre de vue, lancée parmi toutes les autres.
Heureusement le magicien est là et il la fait réapparaître dans un gobelet mais
comment la récupérer alors que les singes cherchent à lui voler.
L’enfant tend la main; elle y revient.
Elle devient une voiture sur le circuit du tapis .
Il l’enfonce dan le moelleux des coussins.
Elle se cache.
L’enfant s’allonge et la coince entre ses pieds et la paroi .
Il aime cette sensation de massage agréable.
Il plie ses genoux, appuie sur ses plantes de pieds et relâche la balle qui roule loin de lui.
Il l’oublie.
Il est là, étaler à rêver.
Par le hublot, il voit le ciel
Il sent les vagues contre la coque.
Bien à l’abri de l’eau, du vent dans le bercement, il repense au grand oiseau de mer
aperçu l’autre jour : le Fou de Bassan et son vol majestueux qui pourrait l’emporter sur la plage, jouer aux châteaux de sable.
Avec d’autres, ils tenterait de gagner sur la marée montante qui envahit les douves et détruit la construction.
La balle revient vers lui, il la sent contre son corps, la prend pour en faire le tour de son corps.
Elle est douce.
Elle est lisse.
Elle le caresse.
Il ferme les yeux et revoit ses jeux avec le châton qui cherchait à l’attraper en vain ; insaisissable, attachée au bout d’une ficelle.
Elle devient ballon, montgolfière avec sa petite cabine d’osier dans laquelle il grimpeur s’envoler au dessus des lacets des rivières.
Il observe les routes et leurs voitures qui glissent. Il salue les gens de haut et secoue son mouchoir.
Le vent l’emporte si loin : vers la lune, les étoiles…
La cabine se pose dans un arbre, devient cabane entre les branches qu’il rêve d’escalader depuis sa prison à l’avant du bateau.
Il est patient, tranquille à jouer tout seul avec la balle et son imagination;habitué aux passages des écluses pendant lesquelles
il doit rester à l’intérieur pour ne pas gêner les manoeuvres sur le pont ou pendant les arrivées aux ports.
Son univers est mouvant mais sécurisant.
Il n’est pas vraiment seul en compagnie de la petite balle rouge.
Mais à travers la cloison, il perçoit à présent comme un ronflement.
Quelqu’un dort tout près de lui.
Pourquoi n’est-on pas venu le chercher ?
Et puis, il a faim !
Il pleure, il crie.
C’est trop long cette fois.
Il veut les bras, la présence, l’attention de ses parents.
Il jette la petite balle avec violence et tambourine à la porte avec ses mains,
ses pieds.
Il a chaud, devient écarlate de colère jusqu’à ce que la porte s’ouvre .
 
LAURE PARIS
 
 
 

                  Une rencontre

 
Une rencontre avec elle au Champo.
En terrasse, curieuse de connaître cette personne nouvellement arrivée sur Figeac.
Volubile, elle évoque son environnement professionnel scientifique auprès de grands chercheurs.
Déjà investie dans une radio locale pour une série d’émissions sur la laïcité.
Sacrée nana qui se livrait généreusement.
Elle cita quelques personnages locaux importants qu’elle avait repéré dans le monde de la culture et du théâtre.
Elle connaissait déjà le directeur du festival, le programme, le nom des pièces, des acteurs et des metteurs en scène.
Impressionnant au vue de sa récente installation !
Intéressée par le Système d’Echange Local, je l’avais aperçue posant tout desuite sa candidature au bureau de l’association
et proposant un atelier jeux littéraires sur des dates déjà retenues pour d’autres rencontres, dans sa précipitation.
Gonflée, quoi !
Ou fragile ?
Elle parlait j’écoutais
Elle avait trouvé un appartement dans le centre historique, dans un bâtiment du XV ème siècle.
Férue d’égyptologie, passionnée par la découverte de Champollion, elle avait déjà pris contact avec l’association des amis du musée.
Pourquoi n’y avait-il pas d’ateliers d’écriture au sein du musée ?
Je pu glisser dans son débit, qu’il existait des initiations à différentes formes de calligraphie.
Aussitôt elle enchaîna sur la programmation du cinéma qu’elle trouvait de qualité
Elle étala sa cinéphile, les derniers films vus dont elle analysait longuement l’intérêt, se posant en critique.
Difficile d’exprimer le moindre avis dans son flot de paroles.Je me concentrais pour suivre le fil, un peu saoûlée.
Elle était ravie de notre rencontre et de mon oreille attentive.
Brillante et à l’égo bien développé.
Je découvrais cette femme à l’allure provinciale, déjà si à l’aise dans sa nouvelle ville.
Cette première rencontre s’acheva sans aucune question de sa part me concernant.
Sa recherche d’admiration l’empêchant de s’ouvrir aux autres.
 
LAURE PARIS
 
 
 
 
 


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