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Dans le désert

du Wadi Rum

Je l’avais aperçu sur un rocher, en me levant. Mes yeux ensommeillés, le soleil du matin projetant son ombre, j’ai eu la vision d’un aigle.Il m’a vue, s’est détourné pour descendre, simplement comme un homme, et il a disparu dans la descente.

 

Plusieurs fois, j’ai cru l’entrevoir, toujours par surprise, dans un trou de la falaise, derrière un champignon rocheux... 
Etait-ce vraiment lui?

 

Il semble disparaître dès que je le vois. J’aimerais son aide pour écrire... Il me cherche aussi, avec ses apparitions brèves et multiples. je ne l’entends pas, ne le sens pas. Subitement près de moi. L’instant d’après, reparti.

 

La tension monte.

 

Je reprends la marche, tourne mon regard vers les rochers alentour.

Impression qu’ils parlent de moi:

La formidable masse, informe au départ, solide comme une tour de défense qui dirait: «Vous n’irez pas plus loin, voraces! Là est ma limite!».

Cette masse se sculpte maintenant de toutes les figures aimées, hommes, femmes,enfants. Se ride de toutes les années cheminées. Des pleurs, difficiles ou bienfaisants. les émotions se réveillent. La défense devient accueil, devient carnet où écrire le temps, où garder présente la vie sous toutes ses facettes...

 

C’est alors qu’il s’est approché. je n’ai pas osé parler, à peine le regarder. 
Lui montrer que je le sais là. il se déplace, à côté de moi.

Je me tourne pour lui montrer un imposant animal aux dents apparentes...

 

Il disparaît...

 

Brusque dépression! J’avais bien le sentiment d’être dans un défilé étroit, très étroit... mais je pensais que ça passerait...

 

Longtemps, il n’est plus là.

 

Je ressens un grand vide, comme sur ces têtes de mort, en grès, aux énormes orbites, narines et bouche en creux! Je voudrais les remplir!

 

Je m’arrête... L’angoisse un peu apaisée. Je peux à nouveau m’intéresser à tous ces monstres mythologiques à l’affût, au regard terrible, aux corps monstrueux... Mais aussi à cette nourriture gigantesque de champignons, brioches...
Voilà de quoi me «remplir»...

Je suis prête à essayer de nouveaux passages étroits.

 

C’est dans le siq des figuiers, où règne une atmosphère de printemps, que je l’attends sans hâte.

Un souffle frais, un pas de danse, et il s'assoit. Présence douce, silencieuse, longtemps. Un effleurement de doigts précède son départ.

 

Dans la vallée Umm Snébé, je le retrouve. Il supporte mon doigt tendu vers une fresque de personnages imaginaires, et suit avec moi la progression de leurs mouvements vers on ne sait où.

Une émotion m'étreint.

Morts enchaînés de mon catéchisme d’enfant, traînés vers l’enfer... esclaves entravés des empires de l’antiquité... Ou peuples victimes de bourreaux à de plus récentes dates, tous rassemblés dans un malheur sans espoir.

Et moi, spectatrice en souffrance...

 

Une main posée sur la mienne ramène mon doigt pour le pointer sur le sol...

 

Je suis ici! Pas avec eux! Ils ne m’entraînent pas! 
Je peux continuer librement mon chemin.

 

Parole iconoclaste pour moi jusqu’à cet instant!

 

Les derniers hommes semblent alors baisser la tête jusque dans le ravin et redeviennent de simples cailloux. Les autres n’avancent plus. Colonnes érigées, sans tête, se parlent et me parlent autrement.

 

Une larme coule sur mon visage. Joie. Sa main l’essuie.

Je lui rend son sourire lorsqu’il s’éloigne.

 

 

Dans les heures suivantes, qui s’égrènent avec davantage de légèreté, mes pas m’amènent à rechercher, au plus près de la roche, des anfractuosités, des trous aux parois lisses, que j’essaie pour m’y reposer. J’y rêve d’un lieu creusé d’alvéoles au tracé arrondi. Niches pour se lover lors de la naissance, niches pour enfanter, niches pour mourir et reposer ensuite. Un lieu à créer, peut-être, de chaleur douce et de sensualité...

 

 

Mais vint le jour de grand froid, au sommet de la montagne de Hash. Jamais feu improvisé ne m’est apparu plus important. Fascinée par ces flammes chaudes, orangées...

J’entendis le cri de triomphe des hommes et des femmes qui, pour la première fois, réussirent à allumer un feu

J’entendis le cri des sorcières, brûlées pour qu’on n’entende plus leur voix

Celui des femmes hindoues, mises au bûcher avec leur mari mort, parce que leur vie n’avait aucune valeur à elle seule

J’entendis le cri des loups apeurés par les flammes et ne pouvant approcher de leurs proies, protégées dans les grottes

Je vis le bébé, sortant du ventre de sa mère et cherchant par son cri, la possibilité de vivre dans un monde nouveau

J’ entendis le cri de l’homme et de la femme, unis dans un instant d’éternité.

 

Je vis l’enfant pleurer, seule au milieu des siens, se sentant abandonnée...

 

C’est là qu’il me rejoint, sentant mon possible accueil de sa détresse, et qu’il posa la tête sur mes genoux. Ce «il» très convoité, que je découvrais comme une partie de moi, en attente de ma propre reconnaissance.

 

Je sentis la douceur universelle de ce qui réchauffe quand le besoin s’en fait sentir.

 

 

Avec ce compagnon-là, mi-masculin, mi-féminin, enfin accueilli pour un «Je» entier, je quittais le désert, et partis pour la ville.

Chemins escarpés, au plus près de la roche, escaliers lisses taillés dans une pierre veinée aux couleurs surprenantes, tombeaux aux marches laissant remonter l’âme...

 

Je les vis ici, ces formes arrondies des entrées de certains tombeaux, adoucissant l’austérité de formes plus classiques.

 

Le rêve pourrait prendre réalité?...

 

Dans la descente des escaliers du monastère, j’entends un enfant crier: «Pitha. Pitha» en levant le bras. Je m’approche et reçois le papier qu’il brandit. Superbe écriture mais... Pour le moins un texte étrange...

 

                        Trouver la :           lerpe- Klop-cherauffe o ferachi vansui le milca

                                                        Klop- jend royeux

                                                        Klop Klop- v’enlironement o c’allompamegnant muhain.

                        Pour la trouver:    Venrez dou ande oeu cor le da live ande - Klop- se trouve ple                       lus orpintant bonteau pon aquel : el setror.

                                                        Elle est à t’inrélieur.

                         

 

Après une étude sérieuse et le rappel de tous les jeux pratiqués dans l’enfance, j’opte pour une écriture inversée de consonnes ou même de syllabes à l’intérieur d’un mot.

 

Je dois partir vers le «trésor» pour y trouver une perle, programme d’aventure excitant!

 

Les rochers emmêlés, les marches d’escaliers, laissent bientôt place à un spectacle extraordinaire d’immenses falaises rapprochées, entrecoupées de failles qui laissent deviner des chemins possibles pour descendre.

Car le trésor est au fond. Fabuleuse façade à colonnes, surmontée de frises, d’urnes, claire sur une roche tantôt claire, tantôt rouge.

Je m’engage dans la pente, accompagnée de la rumeur de la ville. A ce moment-là, elle me semble un chant liturgique psalmodié et je suis transportée dans une descente aux enfers, qui n’est plus l’enfer de mon catéchisme, mais le royaume de Hadès, permettant d’aller «au bout du bout» et d’en ressortir «debout».

 

Le trésor est fermé! Impossible d’y accéder!...

Je n’aurai pas la perle qui réchauffe ou rafraîchit suivant le climat, qui rend joyeux quelque soit l'environnement ou l’accompagnement humain!...

 

Je parviens à me murmurer: «Je reviendrai»

 

Dans le siq, le soleil apparaît...

 

 

Me revient,comme une ritournelle

ce poème, écrit un peu plus tôt:

 

 

 

                                                Marchant durant le jour, elle laisse son regard

                                                choisir les rendez-vous d’un paysage rare

                                                les paroles offertes émanant des rochers

                                                créent sans cesse la matière qui permet de rêver...

                                                 

                                                Elle cherche tout autour d’elle ce qui pourrait remplir

                                                l’espace dégagé d’un tout nouvel empire

                                                Idoles défraîchies, prêtes à disparaître

                                                laisseront tant de place à ce qui est à naître!

                                                 

                                                Le vent ne souffle plus dans les passages étroits

                                                Elle peut alors entendre chanter sa propre voix

                                                Et si, de temps en temps, elle te tend ses deux mains

                                                 

                                                C’est pour te convier à suivre le chemin

                                                La nuit, quand ses yeux s’ouvrent, là-haut elle aperçoit

                                                les vives constellations où te retrouver, toi.

                                                 

                                                 

                                                                                                                                                                                                       Février mars 2012


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