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Lot août



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                                             Sourate du Père-Lachaise

Qui credit in me, etiam si mortuus fuerit, vivet. Dieu parle latin aux portes du cimetière. Qui credit In me Etiam si mortuus fuerit Vivet Quiconque croit en moi, même s’il est mort, vivra.
C’est gravé à la droite du lourd portail d’entrée s’ouvrant au fond d’une vaste alcôve dans les sombres remparts le ceinturant. Et de l’autre côté, qui s’aventure ici peut lire : Spes illorum immortalitate plena est.
Leur espérance est d’une pleine immortalité. Alors, s’ouvre le cimetière. C’est sur le domaine du père Lachaise, confesseur de Louis le 15e, qui devait à n’en pas douter avoir beaucoup à dire, qu’un cimetière fut décrété. Une terre de prélat pour quelques allongés, le suaire contre un ossuaire, un champ d’église contre un champ de glaise. Qui credit in me. On se presse aujourd’hui pour y avoir sa place, pour y tenir chapelle, le lieu est très couru. Combien de pèze lâchèrent toutes ces familles pour s’enterrer ici ? En plein Paris ? Loin du bruit de la ville ? Des perruches jacassent leur langue d’Amazone, perdus dans les frondaisons, palombes, corneilles, moineaux, hibou, où donc est la frontière ? Fraternité de plumes. Mur des fédérés, murmures des décimés, paix des cimetières. Pour faire taire ceux qui de cimes rêvaient, ils emplirent leurs bouches de terre, ils les lestèrent de plomb et les semèrent ensemble, un champ en mal d’aurores. Qui credit in spes illorum, laissez venir le temps de la germination. Lourds pavés inégaux, le visiteur trébuche, apprend l’humilité. Les tombeaux de bourgeois et de princes s’ornent de sculptures, de colonnades, de bas-reliefs, de peurs d’être oubliés. Là sur la gauche, il faut les chercher, sous une simple dalle chacun, Amedeo et Jeanne reposent. Fleurs fraîches sur leurs tombes, fleurs fraîches pour eux deux que des mains anonymes renouvellent chaque jour. Etiam si mortuus fuerit, vivet. Amedeo et Jeanne, le prince et l’algue océane, côte à côte, simplement, spes illorum, être ensemble, immortalitate, pour toujours. Un renard pointe son museau et disparait, arpentant son domaine, l’homme n’est pas le maître. Rejoint-il sa renarde ? Victor Noir, gisant priapique trop lustré de caresses dans sa rigor mortis. Qui credit in me, que la chair l’apaise. Fers et bronzes tombent en rouille, passage des saisons, racines turgescentes fracturant les caveaux, portails de chapelles devenant dentelles rousses et grinçant dans le vent, statues s’érodant sous les chiures des pigeons, passage des saisons, le promeneur ne voit qu’une lente érosion, un rappel de l’oubli, mortalitate. Revenir sur nos pas, sortir, ne pas se retourner, ces gravures sont mensonges, là n’est pas notre monde. Spes nostrum, notre espérance est simple. Vivere hic et nunc. Vivre. Ici et maintenant. 

Marc.B
 



Sans savoir qui tu es, je te connais depuis longtemps.
Tu es gravée en moi.
Enfant, je m’assurais pouvoir emporter, chez toi, mon petit chat en peluche.
Tu étais une inquiétude, sourde, vite recouverte par la vie.
A présent, abordant la vieillesse, je sais que c’est toi qui donne toute sa saveur à la vie que j’aime. Le concert des cigales dans les arbres. Les senteurs amères et sucrées qui s’élèvent du Causse. Son immobilité sous la chaleur. Le sentier qui serpente entre les troncs noueux. Le vent qui tremble les feuilles avant la pluie
… Les amoureux qui se promettent toujours, et les tout petits enfants qui s’enchantent de faire tourner leurs mains.
Toutes ces beautés , c’est grâce à toi, la Mort soudée à la Vie.
Je vais vers toi, sans hâte.
Je veux t’arriver le cœur plein de chants et de couleurs.
A notre rencontre, enfin, qu’elle soit douce ou fulgurante , laisses moi le temps de revoir aux bords de ton fleuve, ceux que j’ai aimé.

Dominique.B
 
                   



Juchée sur les épaules de mon père,
plus grande que mon frère.
J’ai quatre ans.
Je suis.

Chaussée des bottes de mon grand- père.
J’ai huit ans.
Je suis.

M’échappant à bicyclette avec mes aquarelles.
J’ai douze ans.
Je suis.

La vie est dehors.
Chahutée à l’arrière de la Land Rover en compagnie de mon frère.
J’ai seize ans.
Je suis.

Quittant le toit parental au bras d’un mari.
J’ai vingt ans.
Je suis.
Je le crois.

…Aujourd’hui assise sous les arbres, j’écoute les oiseaux répondant aux cigales. Une mouche vole, tout est vert, la chaleur enveloppe le village, le ciel est strié de stratus.
Soudain, tout se tait.
Je suis.

Dominique.B
 

 
                                Sourate aux orages 

          C'est là, ici, hier, maintenant, aujourd'hui, demain, qu'un oiseau lance un tout petit cri, qu'un grillon frotte ses ailes, que la terre, l'herbe, le bois, les feuilles, que la terre respire la fraîcheur, et moi, la fraîcheur de ce qui vient de se passer, un orage, un parmi cent, mille, il y en eût, des orages. Une goutte d'eau, une autre, viennent d'éclater dans mon cou, sur mon bras, il y en aura, des orages. Le coq chante au loin, des gouttes tombent du ciel, dans l'immobilité du monde, ici, ou juste après, ou juste avant, une autre goutte, des nuages, denses, lourds, se transforment au dessus du vallon, les arbres dressent leurs branches, pas un souffle, l'air est chaud, un cri d'oiseau, le coq, une goutte, les nuages peuplent le ciel, ils sont le ciel, ils n'avancent pas, ne reculent pas, ils sont, un cri d'oiseau, une mouche, une goutte d'eau, un orage vient de se passer, les nuages noircissent, le coq se tait, un grondement, au loin, le champ au fond du vallon luit.
         C'est là, ici, maintenant, ce pourrait être ailleurs, ce pourrait être hier, demain, que cette lumière si particulière, à la fois luisante et sombre, limpide aussi, que cette lumière m'enchante, sa transparence, l'annonce d'un nouvel orage, un babil d'oiseau, c'est ici, là, hier, demain, le territoire de la beauté, l'enchantement devant la beauté du monde,  
  
Micheline.F

Bali mars

Nyepi

  

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                                                                    Alitée

Le docteur avait dit il lui faut des nourritures saines, des fruits, de l’eau, beaucoup d’eau, et de l’air pur et puis il s’était enfui sans attendre son dû. Les enfants avaient regardé leur mère, allongée sur son matelas de paille dans leur chambrée sous les toits, avec ses yeux enfiévrés, sa peau lunaire luisante de sueur, ses cheveux collés, la couverture tremblante remontée au menton. C’était il y a cinq jours. La femme avait regardé sa fille, haute comme trois pommes, et puis ses deux fils et avait murmuré mes chéris en tentant de sourire. Son homme était mort à la guerre et ils n’avaient plus qu’elle pour veiller sur eux. Comme beaucoup dans le quartier elle avait dû arrêter son travail, cette grippe lui enlevant toute force. Cela faisait trois mois qu’on entendait chaque jour la cloche de Notre-Dame du Bon Secours sonner le glas. Pierre, le plus grand, prit la main de Jean, le cadet, en disant on y va, toi Marie tu restes avec maman, et ils dévalèrent l’escalier. Marie ferma la fenêtre en se haussant sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée. Tu as moins froid maman ? demanda-t-elle et sa mère répondit oui merci ma chérie. Puis elle retomba dans le sommeil, un sommeil sifflant et douloureux. La petite prit la main de sa mère et la garda en la caressant doucement, prenant soin de ne pas faire de geste brusque qui put la réveiller. Du repos, il fallait du repos et maman pourrait se lever et reprendre son travail de couturière, ce n’était pas les commandes qui manqueraient. En attendant, l’ouvrage lui avait été retiré quand on avait su qu’elle avait été touchée à son tour. Heureusement il y avait Pierre. Il se démenait comme un vrai petit diable pour ramener un peu d’argent pendant que Jean et Marie veillaient. Mais les ressources étaient maigres, il ne fallait dépenser que lorsqu’on ne pouvait faire autrement. La priorité c’était les fruits. Tout le peu d’argent que la mère avait pu mettre de côté pour les coups durs y était maintenant passé. Les fruits et les soupes. Marie se demanda comment Pierre et Jean allaient faire aujourd’hui pour rapporter des fruits pour maman. Elle entendit une cavalcade dans le couloir et la porte s’ouvrit sur ses frères à bout de souffle. Ils tenaient des poires à la main, une dans chacune de leurs quatre mains. Ils les posèrent par terre, le temps de préparer la petite table comme pour un festin. Cela se résumait à une petite nappe blanche, une assiette et le couteau, celui que leur mère utilisait pour éplucher les pommes, les carottes et les patates. Ils ramassèrent les poires qu’ils déposèrent dans l’assiette et Jean courut remplir la cafetière de zinc au robinet du palier. C’était plus facile ainsi de faire boire leur mère alitée en lui présentant le bec plutôt qu’un verre, rien ne tombait à côté. Pierre et Jean approchèrent la table du lit en la portant avec les épaules remontées pendant que Marie les aidait en s’accrochant à la table du bout des doigts. Comment vous avez fait ? chuchota-t-elle. Pierre regarda Jean en coin et répondit on s’est débrouillés. Marie n’insista pas. Ils se tournèrent vers le lit et Pierre caressa les cheveux de leur mère. Maman, maman, Jean et Marie reprirent maman, maman tout bas mais de manière insistante pour la réveiller, l’un caressant son front, l’autre son bras et la troisième son épaule. Elle ouvrit les yeux et sourit. Il faut manger, regarde, dit Jean. Elle tourna les yeux vers la table, puis de nouveau vers ses enfants et dit, peut-être pour la millième fois, mes chéris. 

Marc.B


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