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Indicible indice...

 
Frénésie citadine. Vombrissement des moteurs. Sirène. Ambulance.
 
Il marche d’un bon pas depuis sa sortie du métro. Il volerait presque si son sac en bandoulière ne cognait pas si fort sa hanche.
Main vissée au téléphone son regard se perd sur l’écran. Ne rien perdre. Ne rien manquer d’elle. Un sms peut-être qui lui dirait je t’attends...
Mais l’écran reste noir. Il aspire à être dans ce jardin en haut du boulevard. Il aspire à la retrouver. Elle.
La voir. Rien que ça lui fait battre le cœur. Il s’essouffle.
 
15H45. Il passe les grilles. Un peu avant, un peu après a-t-elle écrit sur leur dernier message. Il est à l’heure avant l’heure d’un quart d’heure.
Il attendra. Son cœur se calmera, son souffle reviendra. Ses mains moites il les essuie sur son djean.

16h12. Il n’en peut plus d’attendre debout. Il trouve une chaise, s’y abandonne, se relève, scrute son téléphone. Rien.
 
16H28. Il s’agace, lui qui a horreur des gens en retard. Il devrait partir. Ça lui est impossible. La voir déjà, rien que ça…
 
16h34. Il la voit. Grande et fine charpente, elle avance de sa démarche chaloupée. Trouble ressemblance avec une autre femme déjà.
Il l’aimait elle aussi, ne veut pas y penser. Elle contourne le bassin où les enfants s’amusent avec leurs bateaux de bois colorés. Il est tendu mais glisserait bien sa main sous ses jupes pour sentir le sens du monde. Elle le salue de sa voix grave, envoûtante qui entraine les hommes au fond des océan.
La voir déjà, rien que ça et l’entendre, eux qui ne communiquent que par sms comme les jeunes. Il a du s’y mettre, il s’y est mis, il est véloce, il a vite appris.
 
Il l’aime, le lui a écrit. Elle répond chaque fois à côté, le traite de fou qui ne veut rien entendre...
Sa poésie d’elle quand elle s’oublie, son monde, son absence de ponctuation, ses mots réinventés l’on séduit. Il aime ça. Il se vit rajeuni, il se sent vivant.
Elle ne s’excusera pas de son retard. Il mettra son mouchoir par dessus bord quand près du bassin la poussière se soulèvera autour d’eux, petit tourbillon de tempête. Elle rit. Il aime ses éclats de rire. Il aime tout d’elle.
Il voudrait glisser des mots dans le creux de son oreille. Il voudrait la toucher, la caresser, mélanger sa salive à la sienne, boire la même eau mais se retient, n’ose pas le pas qui serait de trop. Elle traine une chaise qui laisse des sillons profonds dans le gravier, la rapproche de sa chaise à lui mais pas trop près. Il s’interdit de combler le vide entre eux et prend les feuillets qu’elle lui tend. C’est sa force à lui les feuillets marqués de mots, il noircit les pages et les carnets. C’est sa séduction d’elle. Il lit et s’abime dans cette lecture car ce qu’il connait d’elle, ce terreau fertile qu’ils partagent est absent de ces pages. Les envolées littéraires esquissées, les folies d’étreintes imaginées, les réparties sauvages audacieuses font place à un plaidoyer revendicatif contre une administration aveugle, aveugle d’elle, lui qui ne voit qu’elle. Elle, elle voit noir, elle attaque, lui dit qu’il devait... qu’elle espèrait...ne lui avait-il pas proposé de la défendre.
Il voudrait lui dire de laisser tomber, d’aller de l’avant, qu’il est là avec son amour, qu’il est là à ses côtés. Que les dunes sont belles, qu’ils pourraient s’y glisser. Il lui offrirait un grain de sable petit diamant. Il voudrait lui dire le tout mais elle se lève, lui arrache les feuilles des mains au risque que leurs doigts se frôlent, mais la distance reste toujours trop grande entre eux. Sa robe légère se soulève au vent tourbillon poussiéreux. Non, ne me raccompagne pas…
Il ne se souviendra que de leur unique baiser citadin pour tenter d’oublier le pire à venir...
 
Sdel juillet 2024

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