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Un pas après l’autre. Un mot après l’autre. Il y a entre la marche et l’écriture une résonnance, une reconnaissance, une amitié.
Je marche dans les rues de Paris. Pour aller d’un point A à un point B, mettons de mon travail Porte de Clignancourt à mon domicile au Père-Lachaise, j’hésite souvent : quel chemin vais-je prendre ? J’en ai plusieurs et en invente d’autres sans cesse. J’aime marcher mais suivre la même voie suscite en moi l’ennui. Alors je varie. Vais-je passer par la Place de Clichy, Saint-Lazare, Opéra, grands boulevards, République ? Ou par le boulevard Barbès ? Rejoindrai-je l’Opéra par la Chaussée d’Antin ? Ou prendrai-je la voie qui mène rue du Poteau, rue Ramey, rue de Chartres, rue Louis-Blanc avant de prendre le boulevard de Belleville ? Chaque chemin me donne à voir des espaces différents, quartiers chics ou populaires, quartier grouillant de vie ou quartier calme de bureaux, tourbillon de couleurs et de saveurs immigrées ou torpeur provinciale. Je choisis, c’est selon mes humeurs, l’important est de ne pas se lasser, l’important est de marcher, de garder tout frais le plaisir de la marche.
Mais je ne marche pas qu’en ville. Il y a la montagne aussi. L’autre fois c’était dans les Pyrénées. La montagne est la variété portée à son extrême. Partir du refuge sur des flancs rocailleux couverts de pins odorants. Le chemin est poudreux entre les pierres et étouffe les pas. La montée est exténuante, on souffle comme pour raviver un feu, patience, un pas après l’autre, les pins se raréfient puis vous laissent continuer seuls dans une lande abrupte, toute droite vers le ciel. On s’arrête et se retourne, le vent glace votre sueur, on voit le chemin sinueux qu’on a suivi et le vaste paysage qu’on laisse derrière nous, le ciel et les nuages.
Arrive le col battu par le vent, et c’est la descente au milieu des éboulis, attention où mettre son pas, de grands blocs vous menacent de vous briser les os, c’est rude, le corps tout entier tremble sous l’amorti de chaque jambe, on est à la limite de la chute, mais dieu que c’est beau et qu’on est fier ! Plus bas, des broussailles puis de nouveau des pins, et des ravins où courent des ruisseaux et où s’allongent de longues fleurs violettes, tout un parterre vibrant qui tapisse les berges, des nuages s’amoncellent, le tonnerre gronde au loin, les falaises sont vertes où s’accrochent les arbres, des ronces vous agrippent parfois, puis ce sont des feuillus, de sombres forêts coupées de rus, moussues d’eau et d’ombres luisantes de chants d’oiseaux, et les falaises vertes qui partout vous observent. Le sac poisse, il est lourd à l’épaule, écrase le dos, mais on ne le sent pas.
On est dans le pas, on est dans son pas, on sait qu’on gardera tout ça, le voyage est le but.
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