Que dire, que vous dire, à présent, à vous qui avez déjà tant lu, parlé, écouté et tant écrit. Un mot, deux mots, trois mots ? Deux mots : dire présent. Présent, présente, présence. Et aussitôt dits se présentent leurs contraires, absent, absente, absence.
Le présent n’a pas de contraire.
En mathématiques, le temps, c’est tout droit. Une droite entre moins l’infini et plus l’infini, entre infiniment moins et infiniment plus. Et le présent c’est zéro, juste au milieu entre infiniment moins et infiniment plus. Sauf qu’en y regardant de très près, entre le point zéro et celui qui est juste après, il y a aussi l’infini, le présent aussi alors est infiniment grand.
La présence entêtante d’un amour mort contrarie le présent. Elle est pourtant absence.
Le présent n’a pas de contraire, il a des contrariétés.
Le présent ne peut s’écrire qu’au moment de l’écrire, au moment M.
Les fesses dans le sable, les pieds bien calés devant moi la mer monte. Le moment M est fraîcheur, celle du sable que je sens au travers de l’étoffe mince de mon pantalon, celle du vent qui me caresse la joue droite, il est aussi chaleur, celle du vent qui me caresse la joue gauche, et l’inconfort dans ce tout petit carnet où les phrases, limitées par la spirale ne peuvent se déployer tout le long de la plage, une phrase comme la plage à marée basse, qui dirait les mots, les seuls mots du présent, en compagnie de vous dix, autour, des galets, des coquillages, des goélands, tout est là, ici, la mer monte au présent, ce présent où je mets ma casquette et qu’elle réchauffe en douceur mes cheveux que le vent a fraîchis, infiniment. J’ai dit infiniment présent, infiniment grand, infiniment bon, j’ai dit présence, qu’ai-je dit si ce n’est la fraîcheur du sable sous mes fesses ou du vent sur ma joue, à ce moment M, celui où devant moi la mer monte et où j’entends son chant.