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La mer

Et si nous parlions de la mer, si loin de nous le matin dans la baie, si proche le soir que nous finirions presque par ne plus la voir, trop banale, lieu commun des poètes, si présente pourtant.

 

Je voudrais dériver, bateau ivre affolé, dans le Poème de la mer, infusé d'astres et lactescent, dévorant les azurs verts, me laisser rouler, bercer, emporter, ballotter, malmener, ronger par les flots amers. Dans ces tohu-bohu incessants, ces maelströms en furie, larguer les amarres, oublier le phare, si droit au bout de la jetée, et que la phrase s'enfle et se déroule, déferle et tourbillonne, attirant dans les gouffres creusés des mots inexplorés, étouffés dans les algues.

 

La mer, la mer, toujours recommencée n'est rien d'autre pourtant que le va-et-vient du temps, dans l'éternité de la terre, le battement du cœur où résonne un écho d'enfance : odeur de peau salée où se collent les paillettes d'or du sable, éphémères châteaux aux tours effondrées, fragiles ponts levis que la vague submerge sous le regard effaré, grands oiseaux de papier qui voguent sur la houle.

 

Les clapotements furieux des marées emportent l'enfant loin des pontons : échouage brutal, ancre rompue, quille éclatée. Il cherche sur la plage ces traces effacées que ne rendent jamais les vagues en allées.

 

Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage, dit aussi le poète. La marée déshabille la grève désolée, jonchée des débris qui la vêtent, puis recouvre pudiquement sa fange. Voiler, dévoiler, partir, revenir, mourir un peu, renaître près de l'écume et de ses franges.

 

L'écrivain cherche dans les marines d'Elstir le monde d'avant le temps, le lieu de toutes les naissances. Sur la toile du peintre, la beauté d'Aphrodite, née de la vague et de la semence de Zeus, lovée dans un coquillage, scelle l'union sacrée du ciel et de la mer.

 

Et Dieu sépara les cieux d'en dessus des cieux d'en dessous. Et il y eut le ciel, et il y eut la mer. Et Dieu vit que cela était bon. Le peintre lance un défi à l'ordre divin. Il peint les reflets de l'astre sur l'eau, l'écho des formes et des couleurs entre le nuage et l'écume. Les flaques lumineuses des tableaux de Monet, les gouttes étoilées de Seurat, les fenêtres grandes ouvertes  de Matisse qui peint à l'horizon du regard la fusion du ciel et de la mer, tous recréent pour l'éternité l'harmonie des origines.

 

La mer, la mer toujours recommencée, c'est une histoire de bleu toujours renouvelée. Bleu de l'azur et des flots, bleus de l'âme exilée du pays d'enfance, bleus du cœur déchiré des départs sans retour, bleus du corps naufragé dans l'océan du temps.

 

Le poème parfois vous prend comme une mer et vous jette, étonné, sur des rives mythiques : longues grèves accueillantes aux corps des naufragés, rives de sable blanc du pays d'Alkinoos, palétuviers qui bordent les îles de Baudelaire, peuplées d'odeurs et colorées, toutes vibrantes encore du chant des mariniers.


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