Il m'a semblé, que depuis tout ce temps que je t'observe étendu de tout ton long sur cette langue de sable, offert à la chaleur impitoyable de l'astre diurne, il m'a semblé que enfoui au plus profond de ton esprit surchauffé, ton esprit que tu voulais reposé, apaisé, mais qui, au beau milieu de cette fournaise solaire, voit tes neurones s'agiter en tout sens, comme l'eau portée à ébullition s'affole sur le bord de la casserole, il m'a semblé donc, et pour faire bref, que secrètement, un peu honteux quand même, tu as souhaité ma venue. Tu soulèves légèrement une paupière, puis l'autre, pour être bien sûr, tu fixes tes yeux encore chauds de lumière sur cette dune, là-bas, et je sens que tu apprécies déjà le léger voile, lambeaux de tissus léger que j'enroule, tentaculaire, autour du disque jaune. Tu imagine déjà, alors que je suis encore loin, la fraîcheur surnaturelle que je répandrai autour de toi lorsque j'arriverai à ta hauteur. Tu t'assieds maintenant, tu veux être tout à fait éveillé pour goûter pleinement ma venue, tu as raison, je ne vais pas te décevoir.
Tu sentiras d'abord une première langue de frais sur tes pieds, pas trop humide, juste un petit souffle posé doucement sur ta peau, je me ferai délicate, il ne s'agirait pas que tu t'inquiète, je prendrai soin de me montrer avant de t'envelopper, tu me verras passer au dessus de toi, et ton ciel jusqu'alors statique, s'animera de ma cavalcade gigantesque, volutes aspirées dans l'infini bleu qui viendront inexorablement peindre ce ciel uniforme de mouvements cotonneux et opaques, tu souriras, émerveillé de cette poursuite céleste, filaments qui jouent à se poursuivre, tu tendras ton bras pour tenter de me toucher, comme font les enfants, ton bras encore tiède de la chaleur de ce soleil que je te soustrait doucement, et alors que tu auras le regard planté dans mes fantaisies lascives, au dessus de toi, je dévalerai sur la plage, comblant les derniers interstices de clarté, chargée de toute l'humidité du vaste océan, je transformerai tes compagnons en silhouettes blafardes, mêlant ma substance à la leur, je les rendrai translucides presque invisibles, oui, tu m'as senti, je suis là, tu te relèves un peu brusquement, je trouve, tu te recouvres de ce morceau de laine, un peu hâtivement, je trouve, comme si tu regrettais que je sois venue, trop tard de toutes façons, faudrait savoir ce que tu veux, tu avais trop chaud, maintenant tu vas avoir froid.