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Tassili fév

2009



 
Nous nous sommes envolés avec la compagnie
''Aigle Azur'' de l'aéroport d'Orly à 22h 10 pour Tamanrasset... 


http://aphanese.viabloga.com/news/fev-2009







C'est le premier matin, un matin originel.

Je vois une lumière à décourager les peintres, une lumière en équilibre entre douceur et force encore contenue.

Je vois le monde du plus haut que je puisse le voir, du plus haut, là où la légèreté de ce matin m'envole.

De ce point-là du monde, je vois tous les sentiments rassemblés en un seul, je vois la nostalgie, celle qui brunit le paysage, je vois la colère, celle qui lance des seaux d'eaux rouges à tout ce qui bouge, je vois le désespoir, qui entre à l'intérieur de toute chose et la noircit.

Je vois qu'il ne fera peut-être pas nuit, puisque mes ténèbres ont maintenant un interrupteur à deux positions On et Off et que j'ai compris où il faut appuyer.

Je vois tous les matins rassemblés en un seul, tous les petits déjeuners, je vois le matin de cette terrasse de café parisienne, café, un sucre, s'il vous plaît, deux tartines, je vois le matin sans rien manger, vite, partir au travail, réunion, en retard, j'ai oublié mon agenda.

Je vois le matin de toutes les villes du monde, le matin qui parle anglais, télé CNN, vite, sortir de l'hôtel, je vois les rues de New York, frais matin d'hiver, je vois le matin de Dunkerque, plage du Nord, lever tard, se baigner avant le petit déjeuner, café sans sucre, je vois l'aéroport de Chicago, bord du grand lac, vol à destination de Washington, 6h50, je vois très loin à l'horizon, je vois le matin gare du Nord, foule pressée et celui de Tamanrasset, nous sommes neuf.

Je vois les ruelles de la casbah d'Alger de la même couleur que les trottoirs de Paris.

Je vois des halos autour des réverbères.

Je vois que quelques-unes de mes peintures ressemblent à quelques-unes de ces dunes, il suffit de changer la couleur.

Je vois ce géant bleu marcher de dune en dune. De son doux regard noir, il me regarde. De son doigt pointé, il me montre le nord en perçant les nuages comme un enfant percerait de son doigt une barbe à papa.

Et je sens tomber en constellation sur ma peau cette pluie fine enfin libérée du ciel.

De la haut, de ce dessus du monde, dans une lumière dont la douceur éblouissante contient déjà la force qu'elle aura dans deux heures, je vois cette immensité de sable d'où le 4x4 s'envole pour retrouver son amie perdue, la mer, dans des retrouvailles bruissantes de vent.

De ce point-là du monde, envolée en légèreté, je vois les larmes sèches, je vois tarie la source rouge des seaux de la colère et je vois la joie qui entre à l'intérieur de toute chose, la joie d'or promise par la douceur ensoleillée de ce matin.

Je ne vois pas encore le soir de ces matins, le géant des dunes ne m'en a pas montré la direction, le soir n'est pas au nord.

Mais du haut de ce matin originel dont la lumière commence à développer son éblouissante puissance, j'ai appris à appuyer sur l'interrupteur On/Off. Qu'importe alors la nuit si je sais allumer la lumière.

Micheline Ferret

                                              



Vous êtes cernés de regards fixes.       

Regards de pierre, œil de verre, trous béants dans la roche, 
milliards d’yeux minuscules sous vos pieds,                     
regard de l’impassible étranger.

Vous voulez y échapper, votre pas s’accélère.

Vous montez un peu plus haut, regard brûlant du soleil.

Vous cherchez l’ombre, regard ténébreux d’une caverne.

 

Vous courez. L’air est étouffant. Chaque pas vous cogne à un regard. 
Gorge serrée, poitrine oppressée, vous cherchez l’issue.
Le passage vers un lieu sans yeux.

Vous êtes venus ici chercher l’absence, l’espace, la liberté. 
Ce ne sont que présences, impasses, mur d’une geôle 
plus étroite encore.
Vous avez cru qu’en ce lieu,
vous trouveriez votre voie. Mille voix se rappellent à vous, 
qui vous perdent.
Disparaître, ne plus être celui qui s’agite
vainement face aux spectateurs immobiles. 
Vous fondre dans le roc ou devenir grain de sable.

L’étau se resserre un peu plus.

 

A bout de souffle, vous vous arrêterez peut-être.

Assis, les mains sur vos yeux fermés pour ne plus rien voir.

 

Là, je m’ouvrirai, moi, votre œil.

 

Laissez-moi vous regarder. Je suis noir, n’ayez crainte. 
Donnez-moi le temps. Le temps du face à face. 
Vous et moi, votre œil.

 

Venez, franchissez ma paupière, jusqu’à la crête de mes cils.

Et regardez.

Regardez l’océan de mes larmes, vos larmes 
et celles de tous les hommes.

Traversez mes blancs névés sillonnés de rivières rouges.

Passez l’anneau, frontière du désert où je vous invite. 
Mes sentinelles bienveillantes vous guideront. 
Mon sable doux et léger portera vos pas. Mon vent dispersera 
les cendres de votre vieille peau.

 

Approchez encore. Vous voici aux portes de mon iris,
mon cœur, ce noir qui vous faisait si peur. Entrez…

Françoise Cadiou 



     A la tombée de la nuit, la lumière change les couleurs. Alors que je traversais une plaine désertique, marchant vers les dunes rocheuses, un éclat de lumière attira mon regard. Un éclat de lumière blanche. Je m’approchai pour découvrir une pierre de lave rouge que le vent et le sable avaient creusée, sculptée, fossilisée.

A la tombée de cette nuit, je vis dans cette pierre, qui s’était glissée dans ma main, tous les éclats de lumière du spectre. Le spectre du passé, de l’avenir, du présent.

Je vis l’éblouissement de l’aube de l’humanité, les premiers hommes se couvrir de peaux de bêtes sauvages, les premières femmes enfanter.

Je les vis graver dans le roc des silhouettes fines et délicates.

Je vis les silhouettes s’animer au rythme de danses ancestrales.


Je vis les arcs s’armer de flèches.

Je vis les flèches se planter dans la chair des silhouettes en fuite.

Je vis les silhouettes partir en chasse, parcourir les plaines en troupeaux, immenses et majestueux.

Je vis la terre se dérouler sur la ligne d’horizon.

Je vis les royaumes s’ériger sur les hauteurs et se désagréger sous le souffle de la décadence.


Je vis les hommes du désert ouvrir dans les nuits profondes des feux de lumière.

Je vis, au cou des femmes, des bijoux aux pierres éclatantes.
Je les vis nues et sublimes, je les vis drapées de tissus teintés des pigments les plus purs.

Je vis les belles au bras de leur prétendant, prises de vertige et de rires dans des valses enivrantes.

J’entendis le son de la flûte dans un lointain noyé de la lumière du soir résonner sur des murs de pierres.


Sandrine B



 
C'est dans le noir, l'air de rien, qu'il y a tout.
Les chameaux du désert et toute l'herbe des prés,
et tous les chevaux blancs et tous les rires d'enfants,
les pipis au lit, les sacs rikiki,
l'homme de Néhenderthal, les gamins de l'école,
les rails sur la plage, les belles en bikini
et les nuits d'amour volées par les jours de chagrin.
Et dans le noir je vois, dans les lointaines galaxies,
les toutes petites fourmis qui grillent sous la loupe.
Et puis, l'étoile noire, les tanks sur la neige,
les obus de 105, les soldats désossés,
les chevaux étripés sur les chevaux de frise,
la photo d'une femme crochée aux barbelés.
Dans le noir il y a
le silence des absences, les rencontres manquées,
les voyages immobiles, le ciel gris nuage,
la perle noire du grain d'orage sur la mer,
les larmes sur le coeur et le plomb dans la tête,
comme des dimanches immondes suivent des samedis de pluie.
Tout au fond de mon noir il y a
des rails rouillés, des armes enrayées,
des costumes élimés, des lunettes brisées,
des télés déréglées et des ordis plantés aux disques effacés.
Des mots d'amour fanés en rêves de pacotille,
des espoirs engloutis dans des grottes d'immondices.
Dans le noir du soleil, je peins des ailes d'oiseau
et des ruisseaux d'eau vive et des sourires de femmes,
les ombres du désir, les fées, les mages, la vie,
les cornes d'abondance de buffles tous entiers
et puis le bleu de la mer qui unit les marées,
les plages ensoleillées et les pêches du goûter,
« Regarde, maman, comme je sais bien plonger »
et les beaux coquillages et les barrages de sable
et le sein maternel et sa chaleur foetale.
J'ai froid, il fait si noir...                

Eric.A 



 
Me suis assise là pour regarder devant,
Ai posé lentement mon casque et mon armure.
J’ai ramassé mes larmes comme le fis souvent.
Et la force du vent vient lécher mes blessures…
Avancer dans un souffle et éviter l’écueil,   
Pas à pas respirer sans un autre dilemme,
Se tourner dans son champ et rencontrer ton œil…
Et quand blesse le bât, murmurer un je t’aime.      
 
Telles des pointes d’or finement ciselées /réinventant les mots pour grimer la fêlure,
Tels des corps épures sur des hauts dessinés/déposant un baiser pour panser la morsure
Je vais …et puis je viens dans cette symphonie.
 
Toute à vos pas mêlés qui disent mes ancrages,
Je marche sur un fil m’invitant au voyage …/et vous compte la joie sonnant son harmonie !

Nadine 



 Et toi, posée sur la dune,
Ton visage tourné vers l’immensité,
Tu te souviens de ces murs marqués de runes
Désormais enfouies dans ton petit cahier.
 
Et toi, fascinée, pénétrée de cette mémoire,
Ton visage tourné vers la douce girafe,
Tu te souviens de sa trace dans ton précieux grimoire
Comme on imagine sa propre épitaphe.
 
Et toi, submergée par tant de vide,
Ton visage tourné vers la plaine hallucinée,
Tu vois défiler le temps et les rides,
Tu vois passer l’ombre des années.
 
Et toi qui marches entre ces vaisseaux de pierres,
Ton visage tourné vers le masque des rois,
Immobile de peur de déranger l’éphémère,
Moi, je te vois pour la première fois.

Yannick



N’y vas pas, et pourquoi pas puisque la main se tend pour t’accompagner. Alors il y alla.
 
Le bruit d’une pierre tombale qui glisse sur son socle, entrailles d’un monde pétrifié en surface, la croûte terrestre, les traces de pas, les traces d’insectes, les traces de chacal et de fennec, les traces de je ne sais quoi et ses branchages tellement secs qu’on en oublie qu’ils sont en bois. Et ce drôle de petit oiseau qui lui parlait : « Mille fois tu seras étonné, et tu ne pourras te reposer que mille fois étonné ».
 
Et cet oiseau qui lui parlait fut le premier étonnement.
 
Peu à peu, il prit conscience pleine de ses compagnons de voyage, s’accrochant à leurs pas, oui, cette rencontre, sa rencontre commença par des empreintes de semelles, repères rassurants, logique du lieu.
 
Ce fut le deuxième étonnement.
 
Il avait beau s’abreuver de solitude, de silences et d’immensité, il n’était jamais aussi heureux que lorsqu’il les retrouvait au gré des rites partagés. Dans leur multitude et leurs différences, il puisait l’énergie de s’émerveiller de ce coin de planète. Bien que les journées fussent rythmées par les exigences de cet endroit particulier, il avait l’impression d’une totale fantaisie dans sa manière de jouir de l’instant.
 
Et ce fut un troisième étonnement.
 
Il sentit que l’essentiel, le cœur qui bat, est bien dans la poitrine des hommes, que ce cœur est de chair et non pas une idée abstraite, dont on discute sans en parler. Alors qu’il s’attendait à pleurer au pied des dunes, il pleura à la chanson de ses compagnons, alors qu’il pensait s’attendrir sur les volutes de sable, il s’émerveilla de simples légumes offerts dans un sourire. Des larmes chaudes vinrent se mêler aux larmes du ciel, impromptues dans ce pays sans pluie. Et cette fois encore, les gouttes échappées des yeux de ses compagnons le toucha mille fois plus que celles évadées de nuages de passage. Il perçut des secrets enfouis, des douleurs encore chaudes, des bonheurs à venir. Comme cette toute petite poignée d’humains sans retenue pouvait emplir l’espace. Et quand la nuit tombait, il n’avait plus peur, sauf quand il était trop loin d’eux. C’est dans l’épure de ce désert qu’il comprenait ce qu’il y a de bon dans la complexité des hommes.
 
Et ce fut le quatrième étonnement.
 
Déjà une nouvelle nuit s’installait, demain, oui, demain lui apporterait certainement le cinquième étonnement. Il me faudra, pensa-t-il, me procurer de nouveaux cahiers pour aller au bout de ma quête.
Croûte terrestre
                                                                     
Yannick
 
 


  

Sur la vaste étendue de sable
Les monuments en pierres de dentelle
Depuis des millénaires écrivent la fable
Des animaux et de leur parentèle.

Toujours vivant et important, le chameau
Taverse lentement cette immensité.
Il transporte sur son dos tant de joyaux
Qu'il y gagne un semblant d'éternité.

Il passe, toisant tout de son regard impérial.
Parfois il lève la tête et broute un acacia
Entre un mammouth de pierre et une cathédrale
Qui ne sera jamais entourée de magnolias.

Impassible et sans aucune inquiétude,
Il navigue et traverse de son pas élastique
L'erg de dunes blondes dans toute sa plénitude
Comme l'esquisse d'un hamman érotique.

jeudi 19 février 2009
Catherine L

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